La construction massive de résidences pour personnes âgées ces dernières années au Québec a créé un «cercle vicieux» dans lequel sont empêtrés des promoteurs immobiliers, déplore l'un d'eux.

La construction massive de résidences pour personnes âgées ces dernières années au Québec a créé un «cercle vicieux» dans lequel sont empêtrés des promoteurs immobiliers, déplore l'un d'eux.

Pierre Ferland, président et chef de la direction de Maestro, qui compte 40 résidences au pays, fait ainsi écho aux propos des économistes de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Ils ont fait mardi une mise en garde quant à la construction excessive dans ce secteur.

«Ça nous préoccupe, parce que s'il y a une surconstruction, ça vient aussi affecter les propriétés déjà existantes, en créant une pression à la hausse sur les taux d'inoccupation, a lancé M. Ferland. C'est un cercle vicieux.»

La SCHL présentait mardi ses prévisions immobilières pour l'année 2008. Les marchés de la construction et de la revente demeureront en général vigoureux au Québec, a-t-on souligné.

Mais le secteur des résidences pour aînés risque de devenir problématique si la construction se poursuit à un rythme aussi élevé, ont ajouté les analystes, qui avaient déjà lancé un avertissement à ce sujet le printemps dernier.

Dans la région de Montréal, le taux d'inoccupation des appartements pour aînés a explosé depuis 2003. Il est passé d'environ 1% à 4,7% l'an dernier. Et il atteindra 6,2% cette année, puis 7,5% l'an prochain, selon la SCHL.

Pendant que les grues continuent à s'activer et à gonfler l'offre sur le marché, la demande subit une baisse temporaire... résultat de la Grande Dépression de 1929! Ce qui vient empirer la situation.

«Dans les années qui ont suivi la dépression de 1929, il y a eu une baisse de la natalité et de la migration, si bien que la cohorte qui est aujourd'hui demandeuse de résidences, est plus petite», a expliqué Kevin Hughes, économiste principal pour la SCHL au Québec, en marge de la conférence de l'organisme.

En attendant les boomers

M. Hughes n'accuse pas les promoteurs de construire à toute vapeur sans réfléchir.

Plusieurs visent sans doute des objectifs à long terme en investissant autant dans les résidences pour aînés, selon lui.

«Ce qu'on dit, c'est de faire attention à la demande future, a souligné l'économiste. À l'heure actuelle, il y a une demande d'une certaine cohorte. Et cette cohorte demande manifestement des appartements avec services qui se louent un certain prix. Mais dans 10 ans, on peut se poser la question pour savoir si la demande sera pour ce type de produit.»

Les baby-boomers, qui arriveront bientôt en masse à l'âge de la retraite, ne souhaiteront peut-être pas terminer leurs jours dans des résidences.

«Est-ce que les baby-boomers voudront habiter dans ces appartements? demande Kevin Hughes. Vraisemblablement qu'une part importante, oui, mais probablement pas tous. Plusieurs gens voudront demeurer dans leur propre maison.»

À la Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ), on suit avec attention la transformation du marché immobilier destiné aux aînés.

Le boom de construction récent a permis de résorber la pénurie de logements, rappelle la directrice générale, Martine Langlois.

Mais il a aussi entraîné une forte pression à la hausse sur le prix des unités, souvent situées dans des mégacomplexes avec tous les services, déplore-t-elle.

Mme Langlois se questionne aussi sur le bien-fondé de concentrer les aînés dans des immeubles résidentiels toujours plus gros.

«Est-ce qu'on n'aura pas tendance à faire de ces grands complexes, où on ne se fréquente qu'entre aînés et où on n'a pas trop de relations avec les autres générations, des ghettos?»

Occasions

Chez Maestro, le grand patron, Pierre Ferland, voit quand même du bon à la «surconstruction» actuelle.

«On pense que ça va créer des occasions, a-t-il dit à La Presse Affaires. On pense qu'il y a surconstruction, et que certains promoteurs vont avoir des difficultés, et on aimerait bien avoir l'occasion de récupérer certains projets dans un contexte comme ça.»

La «visée à très long terme» du groupe Maestro (Résidences Allegro) rend de telles cibles alléchantes, a fait valoir Pierre Ferland.