Si un accidenté au dos cassé est amené à un chirurgien du calibre de Michael Fehlings, il y a une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.

Si un accidenté au dos cassé est amené à un chirurgien du calibre de Michael Fehlings, il y a une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.

La bonne, c'est que la moelle épinière du patient est entre les mains d'un des meilleurs spécialistes dans ce domaine.

La mauvaise, c'est que la médecine, peu importe le talent du chirurgien, n'a pas grand-chose à offrir aux 12 000 accidentés que les ambulances amènent chaque année dans les urgences à la suite de ce qu'on appelle les lésions médullaires, les fractures de la colonne vertébrale qui entraînent des paralysies totales ou partielles.

La réalité, c'est que les chirurgiens comme le Dr Fehlings, trop souvent, n'ont rien de très bon à annoncer après les opérations de stabilisation et de décompression qu'ils pratiquent dans la colonne vertébrale des accidentés graves qu'ils traitent.

"La chirurgie peut faire beaucoup, mais pour les gens qui ont des blessures sévères, les résultats ne sont pas favorables", dit le Dr Fehlings, professeur de neurochirurgie à l'Université de Toronto et directeur médical du Centre Krembil pour la réparation et la régénérescence neurales au Toronto Western Hospital.

Réduire le risque

Un médicament expérimental inventé à Montréal pourrait réduire le risque de paralysie à la suite de ces terribles accidents.

BioAxone Thérapeutique, une petite firme médicale de Montréal, doit annoncer ce matin (lundi) des résultats encourageants au sujet de Céthrin, un produit du génie génétique qui semble arrêter la cascade de nécrose qui se poursuit dans les jours suivant la lésion, et qui semble aussi favoriser la régénération des tissus nerveux sectionnés.

"Ce sont seulement des résultats très préliminaires, avec un très petit échantillon qui n'a pas de valeur statistiquement probante; mais c'est prometteur", dit le Dr Fehlings, chercheur principal de l'étude clinique de phase I/II actuellement en cours sur le Cethrin. Il a opéré lui-même cinq des 36 accidentés très gravement blessés qui ont été opérés et traités avec le médicament expérimental. "Presque un tiers, soit 31% des patients opérés ont retrouvé au moins une partie de leur sensibilité et de leur motricité après le traitement, ce qui est plus que ce à quoi je me serais attendu normalement."

L'étude clinique visait à établir que Cethrin ne comporte pas de risque et que son application est pratique, puis dans un deuxième temps, de faire une évaluation préliminaire de son efficacité tout en trouvant le bon dosage, explique Patrick Tremblay, vice-président, Recherche et Développement, chez BioAxone.

L'étude, qui va se poursuivre durant encore un an, vise seulement des blessés de "type A", dans une échelle de A à E mesurant la gravité de la paralysie.

Dans cette gradation, "A" désigne la paralysie et l'insensibilité totales dans les membres inférieurs à la blessure, et "E" désigne l'état normal.

"Tous nos patients étaient des patients aigus, de type A, avec zéro sensibilité et zéro motricité", dit M. Tremblay. Onze (sur 36) ont vu leur état s'améliorer, passant soit de A à B, C, ou D.

"C'est important de ne pas sensationnaliser de cas individuels, mais un des cinq patients que j'ai opérés est un cas remarquable", raconte le Dr Fehling. "C'était un monsieur dans la soixantaine, qui était tombé dans l'escalier de sa boutique et qui nous a été amené avec une blessure vraiment très, très grave, de type A. C'était un vieux monsieur, médicalement fragile, il a fallu le stabiliser avant la chirurgie, donc on a dû attendre cinq jours avant de l'opérer ." Ce détail est important, parce que les cas d'amélioration spontanée se produisent généralement durant les 72 heures suivant une opération faite rapidement après la blessure.

"Après cinq jours, au moment de l'emmener en chirurgie, il était toujours de type A. Or, malgré ce pronostic très défavorable, quelques semaines plus tard, il pouvait bouger les mains. Et la dernière fois que je l'ai visité, donc six mois après l'opération, il se tenait debout avec de l'aide. À mes yeux, c'est un cas remarquable et très encourageant. Quand on l'a emmené en salle d'opération, je ne pensais vraiment pas que ses chances de progrès étaient bonnes."

Frank Bobe, le président de BioAxone, croit que Cethrin est un médicament qui pourrait faire une grande différence, mais il note qu'il ne faut pas créer de faux espoirs "Je crois que Cethrin est une innovation médicale majeure. Mais il faut avoir des cibles réalistes. Guérir complètement des patients de type A est un objectif à long terme pour la science, mais pour l'instant, ce serait déjà énorme si on atteignait seulement une guérison partielle, où une personne peut par exemple utiliser un ordinateur, recouvrer une indépendance partielle."

Plusieurs grandes firmes comme Merck, Novartis, Genentech et Biogen, travaillent sur des thérapies du genre de Cethrin, mais aucune n'est aussi avancée que BioAxone.

BioAxoneD'où vient le nom BioAxone? Les axones sont connectés aux neurones, dans le cerveau. Ce sont les "fils électriques" qui sont tissés tout le long de la moelle épinière et qui transmettent les signaux nerveux qui commandent nos mouvements et, dans l'autre sens, la sensibilité.