Les séances de formation sur la reconnaissance au travail font salle comble. La majorité des organisations sont en quête de conseils pour offrir cet ingrédient si recherché du bonheur et de la performance au boulot.

Les séances de formation sur la reconnaissance au travail font salle comble. La majorité des organisations sont en quête de conseils pour offrir cet ingrédient si recherché du bonheur et de la performance au boulot.

«Pour donner de la reconnaissance, il faut voir ce qui se passe autour de nous, car ses manifestations doivent être immédiates pour celui ou celle à qui elles sont destinées», dit André Savoie, professeur en psychologie du travail et des organisations à l'Université de Montréal.

«Quand la reconnaissance arrive à retardement ou qu'elle est artificielle, elle est perçue comme de la manipulation», ajoute-t-il.

Ce spécialiste du climat de travail s'intéressait à la reconnaissance bien avant la vague actuelle.

«Depuis des années, un constat revient dans toutes les études: les gestionnaires ont le sentiment de donner beaucoup de signes d'appréciation et les employés soutiennent que leur travail n'est pas reconnu par les gestionnaires», résume-t-il.

Selon le professeur Savoie, les deux groupes ont raison. Les cadres sont un peu comme ces hommes qui adorent leur conjointe sans jamais le lui dire ou le lui montrer.

Les employés ressemblent à ces femmes qui ont besoin d'entendre leur partenaire leur souffler à l'oreille qu'il les aime.

«Peu importe les moyens utilisés, la rétroaction - feed-back - est la forme de reconnaissance qui vient en tête de liste des attentes», dit-il.

Pratique et proximité

Catherine Privé, psychosociologue de la communication et PDG de FRP Groupe conseil, donne régulièrement des séances de formation sur la reconnaissance.

Elle constate que plusieurs organisations ont mis sur pied une panoplie de moyens de reconnaissance formelle, comme des bonis, des cadeaux ou des fêtes.

«La reconnaissance informelle, celle qui fait sentir aux employés qu'ils sont importants pour ce qu'ils sont, est souvent perçue comme beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre et elle est parfois mal comprise», note-t-elle.

Elle note, comme le professeur Savoie, que ses principes sont pourtant fort simples: il s'agit de donner du feed-back.

Pourquoi le fait-on si peu? Selon Catherine Privé, c'est loin d'être par mauvaise volonté.

«Dans plusieurs entreprises et dans les administrations publiques, certains cadres ont une portée de direction tellement grande qu'ils n'ont plus la proximité nécessaire pour transmettre à leur personnel des signes de reconnaissance aussi élémentaires que leur dire merci ou les saluer», explique-t-elle.

Certaines organisations, tout aussi désireuses de bien faire, font appel à ses services pour mettre au point une politique de reconnaissance.

«Ce qu'il faut avant tout, ce sont des pratiques. Des politiques, sans gestes quotidiens informels, ça ressemble à la syndicalisation de la reconnaissance», soutient-elle.

La montre en or

La PDG de FRP Groupe conseil a un jour rencontré un travailleur qui avait reçu montre en or pour ses 25 ans de services.

Ironiquement, pendant toutes ces années, il avait écopé de plusieurs mesures disciplinaires et il n'avait jamais vu le grand patron de son entreprise.

«Quand les organisations ont des moyens de reconnaissance formels sans pratiquer la reconnaissance informelle, c'est pervers», insiste-t-elle.

Catherine Privé croit beaucoup plus à la sensibilisation et à la formation des gestionnaires.

«Ils devraient faire des gestes de reconnaissance quand ils en ont le goût. Sinon, ça sonne faux», prévient-elle.

Offrir des conditions

Jean-Pierre Brun, titulaire de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail dans les organisations de l'Université Laval, s'inquiète que toute la pression de la reconnaissance retombe sur les épaules des superviseurs de premier niveau.

«Il faut garder une perspective organisationnelle et ne pas perdre de vue la responsabilité des grands patrons. Dans beaucoup d'organisations, un grand nombre de cadres sont plus au service de la direction que des opérations. Ils consacrent plus de temps à produire des rapports ou à participer à des réunions pour le haut qu'à accompagner leurs équipes», dit-il.

Selon Jean-Pierre Brun, les conditions de la reconnaissance sont plus faciles à énoncer qu'à mettre en oeuvre.

«Les directions doivent parfois prendre des moyens radicaux pour offrir à leurs cadres les conditions de leurs intentions», note-il.

Dans un centre hospitalier de la région de Montréal qu'il observe et accompagne dans le cadre des travaux de sa chaire, la direction générale a interdit, il y a un an, toute réunion administrative le lundi afin de permettre aux cadres de rencontrer les employés.

«Ce moyen en apparence simple a exigé des changements importants. Mais les progrès sont encourageants», observe-t-il.