L'Ontario est-il en train de céder son rôle habituel de moteur de la croissance économique au Canada?

L'Ontario est-il en train de céder son rôle habituel de moteur de la croissance économique au Canada?

C'est ce que suggèrent les plus récents indicateurs économiques. Tant pour la croissance du PIB que de l'emploi, l'Ontario fait pire que la moyenne canadienne depuis deux ans. Et ile pourrait s'y maintenir encore quelques années, selon des économistes.

À n'en pas douter, il s'agit d'un défi pour le gouvernement qu'éliront les Ontariens, lors du scrutin de mercredi prochain, 10 octobre.

Curieusement, la santé économique de l'Ontario est demeurée largement absente du débat électorale.

Pourtant, il faut remonter à la grave récession de 1991 pour voir les principaux indicateurs économiques de l'Ontario traîner autant de la patte par rapport aux chiffres canadiens.

Même que l'écart de ces indicateurs avec ceux du Québec, habituellement très favorable à l'Ontario, s'est rétréci à vue d'oeil.

Un exemple?

À peine huit dixièmes d'un pour cent distinguent le taux de chômage de l'Ontario de celui du Québec. Cet écart a fondu de moitié depuis deux ans, et des deux tiers par rapport à la moyenne de la décennie précédente.

Les perspectives pour 2008 n'augurent pas mieux pour l'Ontario, surtout si l'économie américaine ralentit davantage.

Car avec la crise de l'immobilier résidentiel, les consommateurs américains ont passé leurs dépenses au tordeur. À commencer par leurs achats de véhicules automobiles, de loin le principal débouché de la plus grande industrie manufacturière de l'Ontario.

«Il faudra sans doute attendre 2009 ou 2010 pour que la croissance en Ontario rattrape la moyenne canadienne. Ça dépendra beaucoup d'un regain de croissance aux États-Unis, après les prochains trimestres difficiles», commente Marie-Christine Bernard, économiste des provinces au Conference Board du Canada.

Au Mouvement Desjardins, l'économiste principal des provinces, Hélène Bégin, note aussi la tiédeur de l'économie ontarienne, même par rapport au Québec.

«Une croissance tout juste sous 2%, c'est pas si mal au Québec. Mais en Ontario, on est proche de la stagnation. C'est nettement sous le potentiel d'une économie qui a déjà crû de 3% à 4% par an, plus que la moyenne canadienne.»

Cette santé chancelante de l'économie ontarienne a des conséquences pour le Québec.

La province la plus populeuse compte pour les deux tiers du commerce interprovincial du Québec, et un peu plus du tiers de tout son commerce extérieur.

Aussi, les quelque 34 milliards d'exportations du Québec vers l'Ontario valent environ 12% de tout le PIB de l'économie québécoise.

«L'Ontario est la région la plus influente économiquement sur le Québec, après les États-Unis», rappelle Hélène Bégin, du Mouvement Desjardins.

«Les deux économies connaissent des problèmes comparables depuis deux ans, surtout liés à l'appréciation du dollar canadien et la crise de certains secteurs, comme l'industrie forestière. Mais en Ontario, le secteur manufacturier - qui est très lié à l'automobile - est plus affecté qu'au Québec, où l'industrie est plus diversifiée.»

Cela dit, selon les économistes, l'Ontario a encore des atouts importants pour améliorer sa performance.

«Sauf le secteur manufacturier, très éprouvé, les principaux secteurs de l'économie demeurent dynamiques. Notamment tout ce qui est affecté par la croissance démographique et l'immigration», souligne Marie-Christine Bernard, du Conference Board.

Bon an mal an, la population de l'Ontario croît d'environ 1,3%.

C'est inférieur, certes, à la croissance de l'Ouest du Canada, en plein boom économique. Mais l'essor démographique de l'Ontario dépasse d'un bon tiers celui de ses voisins plus comparables, dont le Québec.

Et le Grand Toronto demeure la principale région d'accueil des immigrants, surtout les plus entreprenants et les plus scolarisés.

«Cette expansion démographique favorise la demande de biens et services. C'est ce qui explique la vigueur soutenue de l'économie intérieure de l'Ontario, alors que son secteur d'exportation passe un mauvais moment», résume Mme Bernard.

Par ailleurs, en cas de ralentissement prononcé de l'économie, les finances publiques de l'Ontario sont en meilleur état que celles du Québec pour affronter la tempête.

Les plus récents chiffres montrent un surplus budgétaire d'environ deux milliards, le résultat de revenus fiscaux meilleurs que prévus.

Quant à la dette publique de l'Ontario, elle voisine les 143 milliards, au dernier compte publié.

C'est une dette comparable à celle du Québec, mais qui s'appuie sur une économie et une assiette fiscale presque deux fois plus grosses.