Le tout premier Forum social québécois débute demain à Montréal. Un Porto Alegre à la québécoise, où l'on discutera culture, environnement et économie.

Le tout premier Forum social québécois débute demain à Montréal. Un Porto Alegre à la québécoise, où l'on discutera culture, environnement et économie.

Combien coûte un litre d'essence? «Un peu plus d'un dollar», répondront les automobilistes. «De 5 à 15 fois plus», rétorque Laure Waridel, éco-sociologue bien connue et l'un des porte-parole du Forum social québécois qui débute demain à Montréal.

Si vous en concluez que Mme Waridel ne va pas souvent chez Esso, vous avez probablement raison. Mais si son prix ne correspond pas à celui des détaillants, c'est parce qu'il englobe une foule de facteurs dont on n'a pas l'habitude de tenir compte quand on sort sa carte de crédit - dans le cas du pétrole, il inclut les subventions à l'industrie, les coûts des changements climatiques et les dépenses militaires nécessaires au contrôle des approvisionnements.

«Nous vivons dans un modèle économique qui ne tient pas compte des coûts environnementaux, sociaux et culturels qu'il génère, dit Mme Waridel. Ce sont de ces coûts-là que l'on veut parler durant le forum.»

À quelques jours de l'événement, La Presse Affaires a joint la jeune femme à l'ile Verte, loin des manifestations de Montebello. Le militantisme de la cofondatrice de l'organisme Équiterre se serait-il atténué? Aucunement. Ce sont plutôt ses obligations de jeune maman qui l'ont empêchée d'être du voyage.

Elle sera par contre du tout premier forum social organisé au Québec, un événement inspiré des forums de Porto Alegre et de Nairobi et qui a reçu l'appui de l'Institut d'études international de Montréal de l'UQAM.

Le message qu'elle souhaite passer lors du volet économique de l'événement est simple: «la richesse ne se compte pas qu'en dollars».

La qualité de notre environnement, de notre culture, de nos rapports sociaux échappe à l'analyse bêtement monétaire. Et l'inclure dans l'équation permet souvent de mettre un autre prix sur les biens que l'on consomme.

«On est obsédé par tout ce qui est matériel et pas cher, constate Mme Waridel. On veut produire des laveuses, des réfrigérateurs, des radios par chers. Et qu'est-ce qu'on fait quand ils sont brisés? On se dit que ça coûte moins cher d'en acheter d'autres que de les faire réparer. Pourtant, on gagnerait en emplois locaux en les faisant réparer. On sauverait en coûts d'extraction de métaux, en coûts d'enfouissement, en coûts sociaux engendrés par l'industrie minière en Afrique. C'est de tout ça qu'il faut tenir compte.»

Laure Waridel le sait: le discours voulant que le système économique néo-libéral court à sa perte en détruisant les écosystèmes sur lesquels il repose est souvent reçu avec condescendance par le milieu des affaires.

C'est peut-être la raison pour laquelle elle appuie toutes ses informations sur des données. Ses chiffres sur le prix de l'essence proviennent de l'International Center for Technology Assessment. Elle cite abondamment des économistes comme Joseph Stiglitz, Herman Daly, Serge Latouche.

«Les économistes nous disent toujours qu'il faut être logique et rationnel. Mais on est dans une économie qui n'est pas logique et rationnelle. On vit avec un dogme qui voit le progrès de la société comme étant directement lié à la croissance économique.»

Cinéma Beaubien et CPE

Pour ce qui est des solutions, Mme Waridel invite à regarder du côté de ce qu'on appelle «l'économie sociale et solidaire».

Une expression un peu ésotérique qui englobe pourtant des concepts connus et implantés chez nous depuis longtemps: les coopératives et les organisations à but non lucratif.

La différence? La raison d'être de ces entreprises est de servir ses membres et la collectivité plutôt qu'engendrer des profits. «Et la gestion est démocratique», ajoute Mme Waridel.

Les caisses populaires Desjardins, la coopérative Agropur, Mountain Equipment Coop, le cinéma Beaubien et même le réseau des centres de la petite enfance (CPE) s'inscrivent dans cette mouvance.

En fait, avec 6254 entreprises d'économie sociale qui brassent ensemble 4,3 milliards de dollars chaque année, le Québec serait particulièrement dynamique à ce niveau, selon les derniers chiffres du Chantier de l'économie sociale.

Une réussite à souligner au cours d'un forum où le système économique néo-libéral risque d'en prendre pour son rhume.