Les promesses d'Alcoa n'ont pas convaincu les syndicats représentant les employés d'Alcan (T.AL), qui s'inquiètent de l'offre publique d'achat dévoilée lundi par le géant américain.

Les promesses d'Alcoa n'ont pas convaincu les syndicats représentant les employés d'Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]], qui s'inquiètent de l'offre publique d'achat dévoilée lundi par le géant américain.

Pris de court par l'annonce, les représentants syndicaux préféreraient qu'Alcan rejette purement et simplement la proposition d'Alcoa, s'il n'en tenait qu'à eux.

«La seule façon qu'Alcan pourrait rassurer son monde, c'est de dire: "il n'en est pas question, on ne vend pas". À partir du moment où ils ne peuvent pas dire ça, ils peuvent dire n'importe quoi, il n'y a rien qui est rassurant», a commenté Jean-Marc Crevier, représentant régional de la FTQ au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Dans la région, la centrale compte plus de 5000 membres chez Alcan.

«C'est inquiétant, je ne peux pas dire que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle», a renchéri Claude Patry, président du Syndicat national des employés d'Arvida (TCA-FTQ), en rappelant que les travailleurs ont récemment effectué d'importantes concessions pour assurer la construction d'une usine pilote ultramoderne à Jonquière.

«Est-ce que les priorités vont changer? a-t-il demandé.

«On sait que lorsque Alcan a acheté Pechiney (en 2003), il y a eu des pertes d'emplois en Europe, il y a des usines qui ont été fermées, d'autres qui ont été vendues à d'autres compagnies.

«C'est toujours inquiétant: c'est les actionnaires qui décident.»

Les travailleurs des plus vieilles usines, tant d'Alcan que d'Alcoa, sont particulièrement préoccupés. On pense à celles de Shawinigan, d'Alma, de Beauharnois, de Jonquière (usine Vaudreuil) et de Baie-Comeau, entre autres.

«Avec Alcoa, c'est encore plus grand, alors ça devient peut-être plus facile de fermer certaines usines, parce qu'ils vont peut-être les remplacer ailleurs», a relevé M. Crevier.

Synergies

Les syndicalistes ont pris bonne note de l'engagement d'Alcoa de lancer, au cours des prochaines années, le «plus important programme d'investissements privé dans l'histoire du Québec», soit 5 G$ US dans des modernisations et des agrandissements.

Mais plusieurs de ces projets (Baie-Comeau et Alma, notamment) étaient déjà dans l'air depuis un certain temps, même s'ils n'ont pas encore été annoncés.

Dans le communiqué diffusé lundi, Alcoa dit prévoir des «synergies de coûts d'environ 1 G$ US par année» dans trois ans, par le biais d'améliorations dans l'exploitation, de même que de réductions de frais administratifs et d'approvisionnements.

Par ailleurs, dans une lettre à son homologue d'Alcan, Dick Evans, le président et chef de la direction d'Alcoa, Alain Belda, a rappelé que les deux dirigeants avaient déjà convenu que «tout problème de concurrence (...) pourrait être résolu par le dessaisissement d'actifs ciblés», entre autres.

«On connaît bien Alcan et on est habitués de négocier avec leurs représentants», a noté Louis-Gérard Dallaire, président du Syndicat de l'aluminerie Alcan de Shawinigan (CSN).

«On sait que du côté d'Alcoa, la recette est différente.

«C'est des Américains, ils ont leur façon de faire les choses et quand ils arrivent dans un endroit, ce qu'on entend dire, c'est qu'ils s'imposent un peu plus.

«C'est sûr que je préfère le confort et la sécurité de ce qu'on connaît déjà et de demeurer avec Alcan.

«Il va falloir faire preuve d'une bonne capacité d'adaptation si ça se réalise.»

Réactions politiques

À Ottawa, le chef néo-démocrate, Jack Layton, a pressé le gouvernement d'intervenir pour bloquer la transaction proposée.

«On demande au gouvernement d'utiliser les pouvoirs d'Investissement Canada pour assurer que les emplois seront protégés, a-t-il affirmé. (...) On a le pouvoir de dire "oui" ou "non" à un tel "takeover" et on espère que le gouvernement va agir au lieu de rester silencieux comme il l'a fait avec les prises de contrôle qu'on a vues dans les derniers mois.»

À Québec, le gouvernement Charest a réagi avec prudence, mais sans appréhension.

Il existe des verrous qui empêcheront que cette transaction, si elle se produit, entraîne des retombées néfastes pour le Québec, selon le ministre du Développement économique, Raymond Bachand.

Le ministre rappelle qu'Alcan a pris une série d'engagements — en termes d'investissements, du maintien du siège social à Montréal et des emplois au Québec — qui devront être respectés quoi qu'il arrive.

«Les projets de développement d'Alcan — les 2 milliards $ qui sont engagés dans leur usine pilote au Lac Saint-Jean, les investissements futurs, le siège social — étaient attachés entre autres avec la protection sur les droits hydrauliques», a-t-il fait valoir lundi, en point de presse.

Les droits hydrauliques que le Québec accorde à Alcan valent des milliards de dollars, et ils «sont en jeu si cette entente-là n'est pas respectée», a-t-il ajouté.

Le ministre note que la direction d'Alcoa s'est d'ailleurs engagée, dans son offre, à respecter et poursuivre les engagements pris par Alcan au Québec et à y maintenir le groupe primaire de ses activités.