Le gouvernement du Québec a mis beaucoup d'argent sur la table pour convaincre Alcan (T.AL) d'investir de nouveau dans la région du Saguenay. Mais cette fois, l'aide apparaît plus raisonnable, compte tenu de la concurrence mondiale et des retombées pour le Québec.

Le gouvernement du Québec a mis beaucoup d'argent sur la table pour convaincre Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]] d'investir de nouveau dans la région du Saguenay. Mais cette fois, l'aide apparaît plus raisonnable, compte tenu de la concurrence mondiale et des retombées pour le Québec.

Essentiellement, le gouvernement allonge un demi-milliard de dollars pour inciter Alcan à investir 2 milliards au cours des 10 prochaines années. L'aide prend la forme d'avantages fiscaux à la recherche, mais aussi d'un prêt sans intérêt de 400 millions sur 30 ans.

Pour Québec, un tel prêt correspond à une facture de 476 millions, en valeur actuelle, compte tenu des intérêts que le gouvernement doit assumer, entre autres. En retour, le gouvernement s'attend à des retombées fiscales de 698 millions, pour des retombées positives de 222 millions.

"Il faut toujours se méfier de la dimension politique d'un projet d'investissement, qui se fait souvent au détriment de la dimension économique. Mais dans ce cas-ci, je ne pense pas que ce soit le cas. À première vue, c'est une entente qui m'apparaît raisonnable", dit Claude Montmarquette, économiste à l'Université de Montréal.

M. Montmarquette n'est habituellement pas favorable à l'aide gouvernementale aux entreprises. "Mais il y a une forte concurrence fiscale entre les pays pour ce type de projets. Ce que j'aime, dans ce projet, c'est que tous contribuent: le syndicat, le gouvernement et l'entreprise. Et il y a des retombées technologiques", dit-il

L'élément central d'un projet d'aluminerie est l'électricité. C'est aussi le plus coûteux. Par le passé, Québec a attiré de gros projets d'aluminerie avec des contrats à partage de risque, où le tarif électrique était dérisoire et où l'indexation des tarifs était basée sur le très volatil prix de l'aluminium. Cette fois, on s'est entendu sur le tarif L celui exigé par Hydro-Québec aux grands industriels et le tarif sera indexé au coût de la vie.

Certes, ce tarif de 4 cents le kilowattheure en 2006 est deux fois plus faible que celui qu'Hydro peut obtenir en exportant ses surplus. Cet élément fait dire à certains que la composante électrique de l'entente avec Alcan coûtera une centaine de millions par année aux Québécois en revenus perdus.

Toutefois, l'entente permet au gouvernement de s'assurer qu'Alcan accentuera sa présence au Saguenay plutôt que l'inverse, une garantie cruciale pour cette région durement touchée par la crise forestière. Au surplus, Québec a "attaché" Alcan à Montréal: si l'entreprise déménage son centre de décision, elle perdra en tout ou en partie l'aide gouvernementale consentie dans le projet.

Le professeur de fiscalité Jean-Pierre Vidal, de HEC Montréal, reste très critique sur l'intervention gouvernementale. "C'est difficile à évaluer. Mais l'argument majeur, c'est que si on ne l'avait pas fait, d'autres l'aurait fait ailleurs, d'où la décision. Une fois cela constaté, le gouvernement devrait s'assurer que l'entente crée le moins de distorsions possibles dans l'économie", dit-il.

Autre volet déterminant: le projet d'Alcan porte sur le développement d'une toute nouvelle technologie en matière d'électrolyse de l'aluminium, soit l'AP-50. Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, fait le pari que le développement ici de cette nouvelle technologie entraînera d'importantes retombées pour les équipementiers, les firmes de génie conseil et les autres fournisseurs, qui auront une longueur d'avance dans le domaine.

À chaque année, dit M. Bachand, deux alumineries sont construites dans le monde et les technologies utilisées ne varient guère. Au cours des prochaines années, il espère qu'une aluminerie sur deux optera pour l'AP-50. L'entente prévoit qu'Alcan favorisera le positionnement des équipementiers québécois. En outre, Québec touchera une redevance de deux millions de dollars pour chaque aluminerie qui choisira l'AP-50. M. Bachand espère en tirer globalement 60 millions.

"La construction de la Baie-James a permis à nos firmes de génie conseil de devenir des leaders dans le monde. Cette fois, c'est la même chose pour les équipementiers", a dit M. Bachand au cours d'un entretien téléphonique.

Autre élément économique: Hydro prolongera jusqu'en 2045 ses deux contrats actuels avec Alcan, qui portent sur 343 mégawatts (MW) au tarif L. En cas de besoin dans les périodes de pointe, l'entente prévoit qu'Hydro pourra avoir accès à la puissance autrement utilisée par Alcan.

"On a pas bradé notre électricité", dit M. Bachand. La nouvelle stratégie énergétique du Québec prévoit que 1000 MW des 4500 MW de puissance additionnelle d'ici 20 ans seront consacrés aux projets industriels structurants, 1000 autres à l'exportation et le reste à la demande québécoise.

Par ailleurs, pour Alcan, le projet du Saguenay ne remet pas en question l'autre projet de 2,0 milliards de dollars à Kitimat, en Colombie-Britannique. Les projets du Québec et de la Colombie-Britannique sont difficiles à comparer, puisqu'en Colombie-Britannique, Alcan produit tout l'énergie dont elle a besoin pour sa future usine.