Pendant plus de 20 ans, le régime épargne-actions (REA) a favorisé l'essor de stars boursières comme Cascades, Alimentation Couche-Tard et Jean Coutu.

Pendant plus de 20 ans, le régime épargne-actions (REA) a favorisé l'essor de stars boursières comme Cascades, Alimentation Couche-Tard et Jean Coutu.

Le régime Accro qui lui a succédé en 2005, obtient un succès mitigé. Permettra-t-il l'émergence d'une nouvelle génération du Québec Inc?

Le régime Actions-croissance (Accro) PME porte mal son acronyme. Les investisseurs ne sont pas plus entichés qu'il faut de ce programme de capital de risque qui a succédé au populaire régime d'épargne-action (REA).

Pourtant, il s'agit d'un des rares moyens d'économiser de l'impôt pour les investisseurs, plus particulièrement ceux qui gagnent un salaire élevé et qui ont déjà maximisé leur Régime enregistré d'épargne-retraite (REER).

Le régime Accro est né en avril 2005, des cendres du REA auquel on venait d'imposer un moratoire de près de deux ans. «Mais son succès est mitigé. Le moratoire a cassé le momentum», déplore Robert Beauregard, de Natcan, qui gère le fonds d'investissement Accro-PME.

En 2005, seulement cinq PME ont fait des émissions publiques d'actions Accro, pour un montant de 60,7 millions. En 2006, six émissions ont totalisé 33,2 millions, selon le ministère des Finances. Au début des années 2000, le REA récoltait plus de 70 millions de dollars par année

Bien sûr, l'Accro n'a jamais eu pour objectif d'atteindre le même niveau que le REA qui avait une portée beaucoup plus large. Le nouveau programme vise des petites entreprises, celles qui ont le moins accès au financement. Seules les entreprises dont l'actif est inférieur à 100 millions sont admissibles, par rapport à 350 millions avec le REA.

Mais à cause de cette règle, l'Accro s'adresse surtout aux entreprises du savoir concentrées dans les centres urbains, et très peu aux sociétés industrielles établies en région.

«Dès qu'une société a deux ou trois usines, elle dépasse ce seuil», souligne Guy Le Blanc, qui gère le fonds Cote 100 Accro PME.

Mais ce biais en faveur des sociétés de technologie n'est pas tout à fait illogique. Pour les entreprises du savoir, le défi du financement est encore plus grand. "Elles vendent de l'espoir. Elles ont encore plus de difficultés à trouver du capital, parce qu'elles ont peu d'actifs tangibles", expose André-Claude Veillette, fiscaliste au ministère des Finances.

D'autres contraintes

«Les nouvelles règles de l'Accro sont assez restrictives», estime M. Beauregard. Les investisseurs doivent conserver leur placement durant au moins trois ans (soit une période couvrant quatre 31 décembre), au lieu de deux ans avec le REA.

En outre, les investisseurs ont une obligation de détention quasi permanente des titres. Auparavant, les investisseurs n'avaient qu'à détenir le titre REA à chaque 31 décembre, le seul moment de l'année où on vérifiait leur compte. Rien ne les empêchaient de tout revendre le 1er janvier. On appelait cela le «flip flop de fin d'année», rappelle M. Veillette.

Avec l'Accro, le gouvernement tenait à ce que les investisseurs qui bénéficient de bonbon fiscal, restent vraiment investis dans les titres Accro.

Les investisseurs ont le droit de se départir d'un titre Accro. Mais ils doivent racheter rapidement un autre titre Accro (la liste des titres de remplacement éligibles au régime est disponible sur le site web de l'Autorité des marchés financiers).

Lors du lancement de l'Accro, les investisseurs disposaient d'à peine 21 jours pour racheter un titre de remplacement. Face aux critiques, la période a été allongée jusqu'à un maximum de trois mois.

Il n'en demeure pas moins que les nouvelles règles sont complexes à administrer. Beaucoup de firmes de courtage n'offrent même plus de comptes Accro à leurs investisseurs particuliers.

Desjardins qui offre des comptes Accro depuis les débuts du programme Accro, dénombre à peine 160 comptes-clients Accro, soit 60% chez Valeurs mobilières Desjardins, et 40% chez Disnat.

«Ce n'est pas beaucoup!» admet la porte-parole Chantal Lagacé. «Il semble que le programme a été moins publicisé depuis le début. Il est moins populaire. Il y a moins de choix de titres, et ce sont des titres de plus petites compagnies», explique-t-elle.

Comme la demande de la part des investisseurs individuels est tombée, les PME qui émettent des actions Accro s'adressent beaucoup moins à eux.

Souvent, elles vont chercher des capitaux à l'aide d'un placement privé, en vendant de grands blocs d'actions réservés aux investisseurs institutionnels, plutôt qu'à l'aide d'une émission publique ouverte aussi aux particuliers. Cela leur évite de produire un prospectus, une démarche longue et coûteuse, surtout pour une toute petite émission.

Pas de demande de la part des particuliers, pas d'offre de la part des PME. Bref, c'est l'oeuf et la poule. «Mais ça va revenir», estime M. Le Blanc. Il manque simplement une étincelle, un titre vedette qui crée l'engouement.

Lancé en 1979, le REA n'a réellement décollé qu'en 1984, grâce au succès boursier de Cascades, rappelle le gestionnaire. Puis, il y a eu le Groupe Jean Coutu, Alimentation Couche-Tard, Uni-Select et bien d'autres icônes du Québec Inc.

Pour l'instant, les succès boursiers de l'Accro se comptent sur les doigts de la main.

De toutes les PME qui ont émis des actions ou réalisé des placements privés depuis 2005, le concepteur de charpentes métalliques Groupe ADF, Ranaz Corporation, ZoomMed affichent les performances les plus éclatantes. Le spécialiste des systèmes auditifs Sonomax et l'entreprise de veille publicitaire Opsens ont aussi vu leur titre presque doubler.

Par contre, plusieurs entreprises se sont écroulées. Certaines ont même déjà fait faillite.

Miranda qui a réalisé la plus importante levée de fonds Accro, soit 50 millions en 2005, est en baisse de 21%.

Rien pour raviver l'intérêt des investisseurs.