Deux grandes «importations culinaires» ont marqué notre région depuis 50 ans: la fondue chinoise lancée le 9 juillet 1953 au Chalet Suisse (rue Sainte-Anne) et... la poutine d'Ashton, au printemps 1972, sur le boulevard Hamel.

Deux grandes «importations culinaires» ont marqué notre région depuis 50 ans: la fondue chinoise lancée le 9 juillet 1953 au Chalet Suisse (rue Sainte-Anne) et... la poutine d'Ashton, au printemps 1972, sur le boulevard Hamel.

Non, Ashton Leblond n'a pas inventé la poutine. Tout comme le propriétaire du Chalet Suisse, Gaston Perrin, n'avait pas inventé la fondue chinoise.

La poutine a été inventée dans les Cantons de l'Est durant les années 50. Sauf que, dans la poutine originale, le fromage était sous les frites. Ashton en a amélioré la présentation en déposant les crottes de fromage par-dessus les frites. «The rest is history...» comme disent les anglos.

«Lorsque j'ai lancé ma poutine, j'achetais 50 livres de fromage par semaine et je devais en donner 20 livres à la fin de la semaine parce que les clients ne connaissaient pas ça», raconte aujourd'hui Ashton Leblond.

«Aujourd'hui nous achetons 600 000 livres de fromage frais par année, chez des fromagers de la région», précise Julie Voyer, directrice générale de l'entreprise et actionnaire, avec M. Leblond, de trois comptoirs Chez Ashton, l'un à Place Sainte-Foy et deux aux Galeries de la Capitale.

Mme Voyer a d'abord été secrétaire administrative avec Ashton Leblond, trois ou quatre heures par semaine, il y a 25 ans. Elle est l'illustration parfaite de la philosophie de l'entreprise. «Chez nous, l'avancement se fait par l'interne. Nous faisons confiance à nos employés. Nous les motivons pour qu'ils demeurent avec nous», dit M. Leblond.

Mme Voyer n'est pas la seule. Le directeur des ressources humaines qui doit assurer la gestion de 600 à 700 employés, a débuté comme assistant dans la cuisine d'un restaurant Chez Ashton. Il y a travaillé durant toutes ses études collégiales et universitaires. Il a pris du galon. Même chose pour le responsable du marketing et de la publicité.

M. Leblond est une autre incarnation du rêve américain. Il est né dans le quatrième rang de Saint-François-Xavier de Brompton. Son père était cultivateur et... chef d'une famille de 18 enfants. Seize sont vivants, sept filles et neuf gars dont Bertrand sans qui Ashton ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.

C'est Bertrand qui lui a trouvé un premier emploi dans la région comme apprenti cuisinier au Collège de Champigny, en haut de la côte de l'aéroport. Tout ça parce que Bertrand, l'aîné, travaillait déjà dans les cuisines d'un autre collège des frères du Sacré-Coeur, à Arthabaska, et qu'il savait qu'on cherchait quelqu'un dans la cuisine du Collège de L'Ancienne-Lorette.

Quelques années plus tard, c'est Bertrand devenu propriétaire de son propre casse-croûte, Chez Bert, qui lui fit découvrir la poutine si populaire dans son restaurant.

Aujourd'hui, les 25 Chez Ashton servent plus de 4 millions de livres de frites par année. Dans les poutines, les hot-dogs du lac, les Dultons ou dans les Galvaude (frites, poulet blanc, pois verts et sauce). Un genre de hot chiken sans les tranches de pain.

Ashton, ainsi prénommé en l'honneur d'un riche avocat d'origine irlandaise, Ashton Tobin, qui impressionnait tout le village par sa fière allure, arriva donc à Québec à 17 ans.

Il gagnait 60 $ par semaine en travaillant au Collège où il était logé et nourri mais il envoyait 30 $ par semaine à son père qui devait nourrir une quinzaine d'enfants. Et tous les enfants Leblond qui travaillaient faisaient la même chose pour soutenir la famille.

À 20 ans, Ashton achète son premier casse-croûte. Une roulotte comme il y en avait plusieurs sur la «route 2», aujourd'hui connue comme le boulevard Hamel. La sienne était à L'Ancienne-Lorette, «Chez Lorette». Ouverte l'été seulement mais ouverte tard la nuit, jusqu'à 4 h pour nourrir les affamés qui fermaient les bars à 3 h.

«J'ai acheté la roulotte le 1er février 1969 à 20 ans. J'ai eu 21 ans le 7 mars. On a ouvert la saison le 22 mars. Dans ce temps-là, on fermait durant l'hiver. Ça ne roulait pas fort. On faisait 35 $ à 40 $ de ventes par jour. Je me souviens encore du jour où j'avais vendu 72 $ de frites et de hot-dogs dans la même journée. C'était le gros lot», se souvient Ashton qui, aujourd'hui, préfère ne pas dévoiler son chiffre d'affaires annuel.

Les restaurants et les comptoirs Chez Ashton sont aujourd'hui connus partout dans la région de Québec. Ashton Leblond en possède neuf à lui seul ; il a des partenaires dans 10 autres, et il est franchiseur, mais pas associé, dans six autres. Total: 25.

Plus loin que Québec ? Pas vraiment. Il a essayé à Laval il y a quelques années et l'affaire n'a pas été un succès. Il s'est replié sur Québec.

«Ça prend du suivi pour motiver le personnel. Quand on est trop loin, on peut difficilement assurer le suivi. Et le fait que l'industrie de la restauration est en véritable pénurie de personnel ces années-ci ne nous incite pas à nous lancer dans des aventures qui risqueraient de mal tourner. Chez nous, nous avons notre personnel, un personnel compétent qui sait remplir sa mission de bien servir et de respecter le client. Nos cadres sont des professionnels compétents qui connaissent nos restaurants pour y avoir débuté à la base. Ce sont les piliers de notre organisation. Des gens qui ont grandi à l'intérieur de l'entreprise».

Cette entreprise continuera de grandir à l'intérieur des limites du territoire couvert par la Capitale nationale.