Au dernier événement public auquel a participé le détaillant de haute couture et de produits de luxe Holt Renfrew à Montréal, il n'y avait pas de robe décolletée Prada ni de talons hauts Manolo Blahnik portés par des top-modèles.

Au dernier événement public auquel a participé le détaillant de haute couture et de produits de luxe Holt Renfrew à Montréal, il n'y avait pas de robe décolletée Prada ni de talons hauts Manolo Blahnik portés par des top-modèles.

Le vêtement de circonstance était plutôt la toge noire à jabot blanc, portée par deux avocats grisonnants. Holt comparaissait dans l'austère Chambre commerciale du palais de justice de Montréal.

Au début du mois, une juge a frappé Holt d'une injonction interlocutoire à la demande de son partenaire d'affaires depuis 14 ans, Chaussure Browns.

Holt Renfrew et Browns avaient passé les huit mois précédents à s'échanger des lettres d'avocats pleines d'accusations, de blâmes et de gros mots.

Les deux partenaires en brouille ont enfilé les gants de boxe le 26 octobre et plaidé leur chicane en cour.

L'injonction de la juge Claudette Picard, reconduite le 9 novembre par autre juge, interdit à Holt Renfrew de toucher quoi que ce soit dans la partie de ses 10 magasins dont celui de Montréal, rue Sherbrooke qui est exploitée par Browns en vertu d'une entente qui remonte à 1992.

L'injonction est valide jusqu'au 16 janvier 2007.

Souhaitant exploiter elle-même son commerce de chaussures haut de gamme, Holt avait résilié son contrat avec Browns au début de 2005, donnant à Browns l'avis de deux ans stipulé. Ce qui est très long pour une rupture.

Les relations se sont gâchées au mois de mars. L'affaire a pris le chemin des tribunaux quand la présidente de Holt, Caryn Lerner, a décidé unilatéralement de réduire de 30% la surface de vente assignée à Browns, à partir du 1er novembre.

Et voici le vrai enjeu, affirme Browns : Holt Renfrew veut tasser Browns avant " la lucrative saison de Noël", et avant la fin du contrat, qui expire le 4 février 2007.

Holt affirme pour sa part que Browns se traîne les pieds et néglige ses obligations depuis le printemps dernier, dans le but de maximiser ses ventes dans les magasins Browns au détriment des ventes de chaussures chez Holts Renfrew. Résultat: : "mauvaise gestion, ventes en baisse, des employés mécontents et des clients insatisfaits ", affirme Holt.

En clair, l'injonction obtenue par Browns - en vigueur jusqu'au 16 janvier 2007, pratiquement l'expiration du contrat - signifie que Browns a gagné sa bataille contre Holt. Si la présidente de Holt, Caryn Lerner, tient vraiment à ce que Browns lui laisse toute la place à temps pour les ventes de Noël, elle devra donc négocier une compensation financière importante à Browns.

Selon la correspondance déposée en preuve par les deux parties, Holt a fait des offres à Browns au mois de mai pour qu'elle vide les lieux dès le 1er octobre, avant la fin du contrat. Mais Mike Brownfield les a ridiculisées comme des " offres rase-motte " dans une lettre acerbe. Il veut plus. Sa contre-proposition à Holt a été décrite comme " irréaliste " et " totalement inacceptable " par la présidente de Holt Renfrew Caryn Lerner.

(Tous les montants ont été biffés au crayon feutre dans les photocopies déposées en cour).

Tout ceci à l'air d'un divorce horrible. Pourtant, en 2005, la résiliation du contrat avait été annoncée avec des gants blancs comme une séparation à l'amiable.

Mais Browns a rapidement annoncé qu'elle entendait ouvrir des boutiques dans le voisinage des magasins Holt Renfrew.

En mars 2006, Holt s'est plaint du transfert par Browns de " ses employés les plus performants " dans des magasins Browns concurrents des Holt Renfrew. Ce faisant, Browns , "vole à Holt Renfrew des actifs cruciaux", accusait Holt Renfrew.

Le 26 mai, Holt a déclaré qu'elle considérait Browns en bris de contrat, l'accusant de négliger ses obligations. Soulignant une baisse des ventes de 8 % sur l'année et de 14 % par rapport à mai 2005, Holt a accusé Browns de tenir seulement des stocks minimaux de chaussures dans ses concessions chez Holt. Holt a aussi reproché à Browns d'inciter les clients de Holt à se rendre dans les magasins Browns concurrents (souvent situés dans le même centre commercial), "où il n'y a pas de pourcentage de 19% à payer à Holt Renfrew".

Browns a répliqué que les "insinuations" de Holt visaient à pousser Browns à accepter de s'en aller avant l'expiration du contrat.

Le bureau de Mme Lerner a refusé de commenter le dossier.

Des ventes de plus de 17 millionsBrowns est une firme familiale contrôlée par le clan montréalais Brownstein. Holt Renfrew est contrôlée par le milliardaire Galen Weston de Toronto, la deuxième fortune canadienne.

Browns exploite 45 boutiques de chaussures partout au Canada, dont 10 sont des concessions imbriquées dans les activités de Holt Renfrew. Les vendeurs de ces " salons " de chaussures pour dames sont des employés de Browns, qui gère aussi les stocks, qui comprennent toutes les marques de chaussures haut de gamme. Browns opère d'une façon anonyme stipulée dans le contrat : rien - ni uniforme, ni enseigne, ni porte - n'enlève à la cliente de Holt l'impression qu'elle vient d'entrer dans le département des chaussures de Holt Renfrew.

Elle reçoit une facture de Holt Renfrew quand elle fait un achat.

Browns ne paie aucun loyer à Holt mais lui verse 19 % des revenus générés dans l'enceinte de Holt Renfrew. Browns y a inscrit des ventes annuelles supérieures à 17 millions, en moyenne, depuis trois ans, selon un document déposé en cour par Holt.

La part de Holt représente un revenu de commission moyen de 3,2 millions dollars par année pour le détaillant, dont les résultats financiers ne sont pas divulgués.

(La publication Digital Journal a estimé les revenus annuels de Holt à 450 millions.)

Environ 56 000 clients ont acheté des chaussures de Browns chez Holt Renfrew l'an dernier.