Il travaille dans une industrie qui n'est pas trop sexy. Le fait sur la Grande-Allée, loin des financiers montréalais ou torontois. En prime, il n'a pas changé d'employeur depuis 27 ans. Monotonie? Ennui? Pas du tout! Yvon Charest respire plutôt la confiance.

Il travaille dans une industrie qui n'est pas trop sexy. Le fait sur la Grande-Allée, loin des financiers montréalais ou torontois. En prime, il n'a pas changé d'employeur depuis 27 ans. Monotonie? Ennui? Pas du tout! Yvon Charest respire plutôt la confiance.

«Ça va excessivement bien», confie d'entrée de jeu le grand patron de l'Industrielle Alliance [[|ticker sym='T.IAG'|]].

Yvon Charest a l'air détendu, beaucoup plus que lors de notre dernière rencontre, il y a cinq ans, dans le même bureau, à quelques pâtés de maisons des plaines d'Abraham. Il rit quand on lui passe la remarque.

«Disons que depuis un an et demi, le rendement de la compagnie est très bon... En 2006 et 2007 jusqu'à maintenant, on a la meilleure performance boursière parmi les quatre compagnies d'assurances canadiennes.»

Il se rappelle que les investisseurs ont déjà eu plus de doutes. À son entrée en Bourse en 2000, lors de la démutualisation de la compagnie d'assurance, bien des gens soutenaient qu'elle était trop petite pour se tailler une place.

Les employés aussi étaient inquiets, craignant que le couperet ne tombe sur eux en raison du nouveau statut de l'entreprise.

Et puis, il y a eu l'entrée dans la gestion de patrimoine. Encore là, le doute: l'assureur de Québec arrive-t-il trop tard dans un marché en voie de saturation?

Fin 2005, l'Industrielle Alliance se frotte à CI Financial et réussit, après surenchère, à mettre la main sur la torontoise Clarington, une firme de fonds de placement, pour plus de 200 millions.

«Quand aujourd'hui je me demande ce qu'on aurait pu faire de mieux (lors de cette acquisition), il n'y a pas grand-chose», dit Yvon Charest.

La demi-seconde de Lucien Auger

L'actuaire est un homme calme. Rares sont les situations qui le font sortir de ses gonds. Si certains tournent sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler, lui a appris à se donner une demi-seconde de réflexion.

L'idée vient du psychologue québécois Lucien Auger, spécialiste de l'approche émotivo-rationnelle.

«La théorie est bien simple: entre un événement et ta réaction, il y a une demi-seconde qui est la demi-seconde clé.»

Le psy Auger n'est pas sa seule lecture. En fait, Yvon Charest lit beaucoup. Il en profite pour prendre des notes, extraire des citations.

Et quand un employé a besoin de conseil, il peut retrouver dans sa boîte de courriels une série de citations... Matière à réflexions venant du bureau du patron!

Une question agace Yvon Charest. Celle qui lui vient de tout journaliste débarqué de Montréal, fut-elle posée sous forme de boutade: a-t-il envie parfois de venir s'installer à l'autre bout de l'autoroute 40?

«Là, tu viens de me démontrer que t'es quelqu'un de Montréal», lance-t-il au journaliste qu'il sait pourtant originaire de la région de Québec.

S'ensuivent les traditionnelles remarques sur la «qualité de vie incroyable» de Québec. Et puis, le portefeuille: il en coûterait «entre 10% et 15%» de plus pour avoir ses bureaux dans la métropole.

On ne l'arrête pas facilement sur les avantages de la capitale. Il poursuit: «Où sont nos compétiteurs? Great-West est à Winnipeg. Les opérations canadiennes de Sun Life et Manulife ne sont pas à Toronto. Leurs opérations sont à Waterloo.»

Un vendeur de papier

Bref, aucune «métropole» ne peut se targuer d'avoir un important secteur de l'assurance... Mettez ça dans votre pipe, tous ceux qui osent remettre en question la présence de l'Industrielle Alliance à Québec!

Avec plus de trois milliards de capitalisation boursière, l'Industrielle Alliance vaut plus que Quebecor et trois fois la papeterie Cascades.

Pourtant, elle ne défraie pas la chronique trop souvent. Une stratégie pour mener son petit bonhomme de chemin en paix?

«Non, ce n'est pas voulu. Si on vendait des automobiles, tout le monde parlerait de nous et viendrait visiter notre siège social. Mais quand tu regardes ça froidement, nous ce qu'on vend, c'est du papier.»

Discrètes jusqu'à présent, les 11 compagnies d'assurances de Québec ont récemment décidé de se regrouper, question de faire entendre leurs voix.

L'industrie, qui a créé 3000 nouveaux postes ces cinq dernières années (et en compte maintenant 10 000 dans la seule capitale), veut faire savoir aux jeunes universitaires qu'elle existe, qu'elle est intéressante.

«On ne passe pas pour l'industrie la plus dynamique et la plus moderne», concède M. Charest.

Si elles créent tant de jobs, c'est que plusieurs brassent maintenant des affaires à l'extérieur du Québec, d'où le besoin d'employés bilingues. Un nouvel employé sur trois devra parler les deux langues officielles dans les prochaines années.

«À partir du moment où on le mentionne, il y a une réaction immédiate des maisons d'enseignement.» Même l'Université Laval offre cette année un cours en assurance en anglais, dit-il, pas peu fier.

Prochaine étape?

Quand on aborde une prochaine acquisition de l'Industrielle Alliance, Yvon Charest pèse soigneusement ses mots.

«La façon qu'on peut dire ça, c'est qu'il reste plus de potentiel de consolidation au Canada dans la gestion de patrimoine que dans l'assurance traditionnelle.»

Pour ce qui du marché américain, il y a deux ans, l'entreprise a indiqué qu'elle était prête à dépenser quelque 250 millions pour y faire une acquisition. Depuis, rien de concret.

«Faut pas que t'ailles faire ton épicerie à 11h30 quand tu as faim. C'est peut-être là que tu vas payer trop cher.»

N'empêche qu'il a ciblé deux marchés. Celui de l'assurance individuelle dans la catégorie de revenus moyens. Et celui des services financiers aux enseignants.

«Il n'y a pas de communiqué de presse aujourd'hui, mais on ne sait jamais à quelle vitesse ces choses-là peuvent avancer.»

Confiant, Yvon Charest...