La CSeries de Bombardier pourrait reprendre son envol la semaine prochaine. Ou elle pourrait continuer à cheminer tranquillement sur la piste en attendant un décollage en bonne et due forme.

La CSeries de Bombardier pourrait reprendre son envol la semaine prochaine. Ou elle pourrait continuer à cheminer tranquillement sur la piste en attendant un décollage en bonne et due forme.

Chose certaine, le projet de nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places a bien changé au cours de la dernière année, avec de nouveaux partenaires et de nouvelles technologies.

La direction de Bombardier avait mis la CSeries sur la glace le 31 janvier dernier en raison d'un nombre insuffisant de commandes fermes. Elle avait réduit de façon dramatique l'équipe de développement, la faisant passer de 300 à une cinquantaine de membres, et lui avait accordé un modeste budget de 20 millions de dollars US pour l'année.

La petite équipe a toutefois continué à faire évoluer la CSeries en terme de technologie: la proportion de matériaux composites un assemblage de matériaux a plus que doublé par rapport au concept initial, passant de 20 à 45 %.

La nouvelle famille d'appareils pourra compter sur une aile entièrement fabriquées de matériaux composites, alors que l'aile originale était essentiellement en aluminium. Le poids maximal au décollage a été réduit de 5,6 %, un progrès important pour des clients désireux de réduire les coûts en carburant.

Ce qui est plus important encore, c'est le changement au niveau des moteurs. À l'origine, Bombardier avait pressenti deux grands consortiums, IAE (Rolls-Royce et l'américaine Pratt & Whitney) et CFM (General

Electric et Snecma), sans succès. Elle s'était finalement tournée vers Pratt & Whitney Canada (P&WC).

Nouvelles discussions

Bombardier a cependant repris des discussions avec CFM et avec l'américaine Pratt & Whitney (P&W) pour la nouvelle mouture de la CSeries.

«Il s 'agit de discussions exploratoires qui portent sur la technologie que nous pouvons offrir, spécifiquement, sur le nouveau moteur turbo soufflante à réducteur que nous mettons au point pour la nouvelle génération d'appareils mono-corridor, indique la porte-parole de P&W, Jennifer Arsenault. Nous travaillons de très près avec eux pour comprendre les besoins de la CSeries.»

L'analyste financier Fadi Chamoun, de la firme UBS, croit que les grands motoristes comme P&W préféreront réserver leur technologie la plus avancée pour la nouvelle génération de B737 de Boeing et d'A320 d'Airbus.

Mme Arsenault rejette cette opinion. «Nous sommes toujours prêts à discuter avec les avionneurs au sujet de la technologie que nous développons», soutient-elle.

Des sources de l'industrie rappellent cependant que le moteur turbo soufflante à réducteur de P&W nécessitera encore quelques années de développement et qu'il ne sera probablement pas prêt pour la CSeries.

Bombardier pourrait décider de se tourner entre-temps vers un moteur existant de CFM, quitte à équiper plus tard les appareils de sa CSeries avec le moteur turbo soufflante à réducteur de P&W lorsque celui-ci sera prêt.

Un entente avec CFM aurait un autre avantage. Bombardier pourrait alors conclure un partenariat plus large avec General Electric (GE), qui pourrait consolider l'aspect financier du programme de CSeries. Une filiale de GE, GECAS (GE Commercial Aviation Services) est très impliquée dans le financement d'appareils.

Ces derniers mois, Bombardier était justement à la recherche d'un partenaire financier pour sa CSeries, «quelqu'un qui investirait dans le programme parce qu'il croit à son succès», a indiqué le président de Bombardier Aéronautique, Pierre Beaudoin, en octobre dernier.

Bombardier était aussi à la recherche de partenaires provenant de pays pouvant représenter des marchés intéressants pour la CSeries, comme la Chine, l'Inde et la Russie.

Déjà, le projet initial comprenait la participation de Shenyang Aircraft Corporation, une filiale de la société chinoise AVIC I, qui devait fabriquer le fuselage centrale des appareils de la nouvelle famille.

À l'origine, les frais de développement de la CSeries (2,1 milliards $ US) devaient être partagés par Bombardier, les gouvernements et les fournisseurs-partenaires. Un seul fournisseur-partenaire québécois était connu, Mécachrome, qui devait fabriquer le mât de réacteur des nouveaux appareils. Or, l'entreprise ne sait toujours pas si elle fera partie de la nouvelle mouture du projet.

«Nous n'avons pas été recontactés», déclare Michel St-Denis, vice-président aux opérations de Mécachrome Canada. «Ce qu'on entend dans le milieu, entre les branches, c'est que Bombardier veut repartir avec de nouveaux partenaires.»

Mécachrome avait investi près de deux millions dans sa part du projet. Ce sont des sommes qu'elle ne pourra pas récupérer.

Malgré tout, l'entreprise est présentement très occupée et travaille activement sur le nouveau 787 de Boeing.

«Nous espérons quand même que Bombardier nous rappellera si elle développe la CSeries», déclare M. St-Denis.