Le Fonds de solidarité FTQ songe à donner un sérieux coup d'épaule à l'industrie cinématographique du Québec en s'associant à un producteur américain qui s'engage à tourner à Montréal 12 films en cinq ans dont les budgets totaliseraient 450 millions $US.

Le Fonds de solidarité FTQ songe à donner un sérieux coup d'épaule à l'industrie cinématographique du Québec en s'associant à un producteur américain qui s'engage à tourner à Montréal 12 films en cinq ans dont les budgets totaliseraient 450 millions $US.

Le producteur, Edward R. Pressman, à qui l'on doit Wall Street (1987), Reversal of Fortune (1990) et American Psycho (2000), entre autres, se dit confiant de conclure une entente dans les prochaines semaines. Basé à New York, il sera à Montréal à la fin du mois pour présenter un de ses derniers succès, Thank You For Smoking (2006), aux dirigeants du Fonds et de d'autres institutions québécoises.

Selon Pressman, le Fonds fournirait la mise initiale pour chacun des 12 films, dont la moyenne des budgets s'élèverait à 37,5 millions $. D'autres investisseurs québécois pourraient se joindre au projet.

"Avec un tel soutien, le reste du financement serait facilement disponible (aux États-Unis)", a déclaré Pressman à La Presse. "Nous serions également en position de force pour négocier avec un studio une entente pour la distribution."

En échange de l'appui des investisseurs québécois, Pressman promet de réaliser à Montréal toutes les étapes de la production des films, à l'exception du tournage de scènes extérieures nécessitant un décor spécifique. Money Never Sleeps, la suite de Wall Street, pourrait faire partie des 12 oeuvres comprises dans l'entente. Le film, dont le scénario est en préparation, marquera le retour de Michael Douglas dans le rôle de Gordon Gecko.

"C'est un projet intéressant qui rencontre la mission du Fonds de solidarité, à savoir de créer et de maintenir des emplois au Québec ainsi que de procurer aux actionnaires un rendement équitable", a déclaré Robert Charpentier, directeur de portefeuille au Fonds.

Et d'ajouter: "Pour Montréal, cela veut dire beaucoup, beaucoup, qu'un producteur du calibre d'Ed Pressman veuille s'engager à y réaliser autant de films. Cela en dit long sur la compétence de nos artisans et sur la qualité de nos studios."

Le directeur de portefeuille n'a pas voulu chiffrer la participation financière du Fonds, se contenant de dire qu'elle aurait "un effet de levier".

Figure légendaire du cinéma américain, Ed Pressman a produit plus de 70 films au cours d'une carrière où il a touché à tous les genres, ou presque. Il a encouragé le cinéma d'auteur aux États-Unis en produisant les premiers films de Terrence Malick (Badlands), Brian De Palma (Sisters et Phantom of the Paradise) et Oliver Stone (The Hand), entre autres.

Il a travaillé avec plusieurs réalisateurs étrangers, dont Wolfgang Peterson (Das Boot), les frères Taviani (Good Morning, Babylon) et Werner Fassbinder (Despair). Tout en produisant ces oeuvres prisées par la critique, il a remporté plusieurs succès populaires avec des films d'action comme Conan the Barbarian, qui mettait en vedette un certain Arnold Schwarzenegger.

La genèse de Conan donne une idée du flair et de la ténacité de Pressman, qui a mis en valeur plusieurs acteurs inconnus qui sont devenus plus tard des grands noms, de Jon Voight à Sharon Stone en passant par Alec Baldwin.

"Les gens, y compris Dino (De Laurentiis, le producteur) disaient, ce gars-là (Schwarzenegger) n'est pas un acteur, ce que je savais. Mais il avait une présence incroyable. Avant même Conan, les gens arrêtaient Arnold dans la rue et le traitaient comme une star de cinéma", s'est rappelé Pressman au cours d'une entrevue dans son penthouse de l'avenue Madison.

"Nous avons quand même dû nous battre pendant huit ans pour qu'il obtienne le rôle de Conan", a-t-il ajouté en riant.

Front dégarni, taille moyenne, oeil pétillant derrière des lunettes rondes, Ed Pressman continue, dans la jeune soixantaine, de produire des films à un rythme soutenu, endossant parfois des oeuvres dérangeantes ou énigmatiques comme Bad Lieutenant ou Fur, son dernier bébé qui met en vedette Nicole Kidman et Robert Downey Jr.

L'an dernier, Pressman a entamé des négociations avec des investisseurs québécois après avoir visité les studios Mel's, qui exploitent à Montréal la Cité du cinéma.

"Cette visite m'a ouvert les yeux, a-t-il dit. Je ne savais pas que Montréal avait des studios de cette qualité. J'ai été très impressionné."

Depuis lors, Pressman s'est associé à un partenaire d'origine québécoise, Stéphane Bibeau, président et fondateur de la maison de production new-yorkaise Green Gate Films. Les deux hommes sont représentés à Montréal par l'avocate Karine Martin, de Media Biz, qui est chargée des négociations avec le Fonds de solidarité et d'autres institutions québécoises.

Âgé de 36 ans, Bibeau a participé au financement de Mutant Chronicles, un film de 25 millions $ produit par Pressman et dont la sortie est prévue pour 2007. Il en est le producteur exécutif.

Affable, Ed Pressman ne cache pas qu'une entente avec le Fonds de solidarité et d'autres investisseurs québécois constituerait pour lui le "saint graal".

"J'ai toujours rêvé d'avoir ce que (le producteur) David Selznick avait, a-t-il raconté. Selznick avait un partenaire, Jock Whitney, qui finançait tous ses films. Ensemble, ils ont fait Gone with the Wind, Rebecca et tous les autres grands films. Whitney a donné à Selznick la chance de faire les films qu'il voulait. C'était le modèle, qui n'est pas facile à reproduire. Mais il y a un peu de cela dans l'entente avec le Québec."