Coup de théâtre dans l'affaire Cinar: le juge coordonnateur, André Denis, vient d'abandonner la partie.

Coup de théâtre dans l'affaire Cinar: le juge coordonnateur, André Denis, vient d'abandonner la partie.

Depuis 2001, André Denis est le troisième juge coordonnateur à présider l'affaire Cinar. Sa démission obligera le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, à nommer un nouveau juge coordonnateur, qui devra rapidement se familiariser avec ce dossier complexe.

Au fil des ans, une dizaine de poursuites et de contre-poursuites dans cette affaire ont été regroupées sous un même chapeau. Ces dossiers occupent une vingtaine d'avocats, de 12 bureaux différents.

Un autre dossier

Les requêtes de toutes ces causes inter-reliées sont référées au juge coordonnateur, ce qui permet d'accélérer les procédures en cours.

Le juge Denis invoque son emploi du temps dans un autre dossier pour justifier son départ. André Denis préside le procès pour crime contre l'humanité contre le Rwandais Désiré Munyaneza.

«Ce procès est d'une durée illimitée et requiert (mon) attention constante et totale. Cette situation risque de causer préjudice aux parties (de l'affaire Cinar) dont l'intérêt est la seule préoccupation de cette cour. Aussi, est-ce avec regret que le soussigné se voit contraint de se dessaisir de la gestion des dossiers de Cinar», explique André Denis dans un jugement rendu lundi.

Depuis 2001, on estime que les frais pour les avocats et leurs démarches dépassent les 25 millions de dollars. Ces dépenses sont même sur le point de rejoindre les sommes en jeu, qui atteignent quelques dizaines de millions de dollars.

Cinar poursuit les fondateurs de l'entreprise, Ronald Weinberg et feu Micheline Charest, pour détournement de fonds aux Bahamas, entre autres. L'entreprise a également intenté des poursuites contre l'ex-comptable de l'entreprise, Hasanain Panju, et contre le PDG de Norshield, John Xanthoudakis.

De son côté, Ronald Weinberg poursuit Cinar et la firme comptable Ernst & Young, mais également le groupe Mount Real, à qui le couple Charest-Weinberg avait confié plusieurs millions de dollars.

Marie Rousseau, ex-actionnaire de Cinar lorsque l'entreprise était en Bourse, est découragé.

«Ça n'aboutira jamais. Il y a un manque de volonté de faire arriver les choses. Et pourquoi n'y a-t-il pas d'enquête criminelle?», demande Mme Rousseau, qui a perdu 15 000 $ avec Cinar.

«Oh my God! C'est horrible», a dit Claude Robinson, le créateur de dessins animés qui a découvert que Cinar utilisait des prête-noms pour certaines oeuvres afin d'empocher des subventions.

«C'est bête à dire, mais c'est une affaire extrêmement rentable pour les gens du barreau, une manne pour le milieu juridique. Ce n'est pas le système, le problème; ce sont les avocats qui allongent les procédures», dit M. Robinson.

L'homme connaît le tabac. Sa poursuite pour plagiat contre Cinar est en attente d'un procès depuis... 11 ans et demi. Le dossier de M. Robinson est distinct des causes que coordonnait le juge Denis.

«J'espère que le nouveau juge inclura mon dossier», dit-il.

80 caisses de documents

L'avocat de Ronald Weinberg, Jean Lozeau, se défend bien d'allonger les procédures pour gagner du temps.

«Je fais tout pour que la cause soit en état le plus rapidement possible. On voyait que le juge Denis était submergé avec son autre dossier», dit-il.

L'avocat de la firme Lozeau L'Africain compatit avec le nouveau juge. Lui-même n'est au dossier que depuis décembre comme nouvel avocat de Ronald Weinberg. Depuis cinq mois, Jean Lozeau s'est fait aider pour se familiariser avec les 80 caisses de documents du dossier.

Ces caisses, il les a entreposées dans la salle de conférence de son bureau, rue de la Gauchetière.

Chez Davies Ward Philips & Vineberg, qui défend Cinar, l'avocat William Brock croit que l'arrivée d'un nouveau juge ne changera pas les délais. «Nous allons agir très rapidement pour compléter le dossier et avoir un procès», dit M. Brock, qui prévoit un procès dès l'automne prochain.

Le juge Denis était juge coordonnateur depuis juin 2006. Il remplaçait Louise Lemelin. Pour discuter de la suite du dossier, le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, a convoqué la vingtaine d'avocats à une réunion le 3 mai, au palais de justice.

Par ailleurs, il semble que l'homme d'affaires torontois qui a acquis les restants de Cinar, en 2003, veuille revendre l'entreprise, selon un quotidien torontois. Michael Hirsh avait rebaptisé l'entreprise Cookie Jar.