En se convertissant en fiducie, Bell Canada refilera une bonne partie de sa facture d'impôts aux investisseurs: 250 millions en 2007 et 800 millions en 2008. Il y a un mois, sa concurrente de l'Ouest, Telus prévoyait économiser 700 millions de dollars d'impôts par année en se transformant en fiducie.

En se convertissant en fiducie, Bell Canada refilera une bonne partie de sa facture d'impôts aux investisseurs: 250 millions en 2007 et 800 millions en 2008. Il y a un mois, sa concurrente de l'Ouest, Telus prévoyait économiser 700 millions de dollars d'impôts par année en se transformant en fiducie.

Le pactole! Pas étonnant que 52 entreprises aient métamorphosé leurs actions en unités de fiducies de revenus, depuis quatre ans. Plus tôt cette année, la société de fonds communs de placement C.I. Financial a fait le saut. En 2005, Penn West Energy, un géant de 10,8 milliards, et Precision Drilling (5 milliards) s'étaient convertis.

Cette vague a d'ailleurs incité l'ancien gouvernement libéral à imposer un moratoire sur les fiducies de revenu, il y a un an. Finalement, à la veille des élections, les libéraux ont plutôt choisi de réduire le fardeau fiscal des dividendes, afin de réduire l'attrait des fiducies.

Force est de constater que le changement n'a pas calmé l'appétit des investisseurs pour les fiducies, toujours aussi populaires.

" Il reste encore un avantage en faveur des fiducies, surtout pour les résidants du Québec ", explique Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst & Young. Auparavant, l'écart était d'environ 5 % entre le taux d'imposition d'une fiducie et celui d'une entreprise qui verse des dividendes. En 2010, lorsque la modification sera pleinement en vigueur, l'écart s'établira à 3,2 % au Québec.

Voici un exemple. Prenons une fiducie qui réalise des profits de 10 000 $. Si elle distribue entièrement ses profits à ses détenteurs, elle ne paiera pas un sou d'impôt. La distribution s'ajoutera aux revenus des détenteurs qui seront imposés selon leur taux marginal, soit jusqu'à 48,2 %.

Prenons maintenant une entreprise qui réalise les mêmes 10 000 $ de profits. Elle payera 3090 $ d'impôts, elle-même. Le reste (6910 $) sera entièrement versé en dividendes aux actionnaires. Ceux-ci payeront jusqu'à 29,7 % d'impôt, soit une facture de 2052 $. Au bout du compte, il ne restera que 4858 $ dans leurs poches. Cela signifie que 51,4 % sera disparu en impôt... un écart de 3,2 % avec la fiducie.

En Ontario, l'écart ne sera plus que de 1,8 %. En Alberta, le berceau des fiducies pétrolières, il n'y aura plus aucun écart d'ici quelques années.

Malgré tout, les fiducies resteront fiscalement appétissantes pour les puissants régimes de retraite qui ne sont pas imposables. " Les régimes de retraite préfèrent recevoir un montant non imposé. Ils ont plus d'argent. Leur boule de neige grossit plus vite ", dit Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

Idem pour les particuliers qui investissent dans des comptes enregistrés (REER, FERR, CRI, etc.). Ils ne paient pas d'impôt tant et aussi longtemps qu'ils ne retirent pas d'argent pour leur retraite. En théorie, les profits d'une fiducie peuvent donc être imposés seulement dans 30 ou 40 ans. Un report d'impôts coûteux pour l'État.

À cela s'ajoute les distributions que les fiducies versent à leurs détenteurs étrangers qui paient peu d'impôt au Canada. Seulement les retenues à la source, en fait.

" Le taux de retenue à la source est de 25 %. Ce taux peut être réduit par une convention fiscale entre le Canada et le pays de résidence du bénéficiaire. Par exemple, le taux est réduit à 15 % pour les États-Unis ", précise M. Leblanc.

En 2004, les fiducies ont distribué 6,1 milliards de dollars aux investisseurs. Beaucoup d'argent... et donc beaucoup d'impôts reportés ou perdus en perspective.

" Pour l'instant, il y a de l'argent au fédéral. L'économie va bien. Les taxes de vente prennent de l'importance par rapport à l'impôt sur le revenu. Mais s'il y a une récession, ce sera une autre paire de manches ", prévient Claude Laforce, comptable agréé et fiscaliste chez PricewaterhouseCoopers.

" On n'a pas encore vu l'effet des fiducies sur les recettes du gouvernement, assure néanmoins Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke. Peut-être qu'un jour on va le voir. Mais pour l'instant, il n'y a pas de cassure. "

Au contraire, l'ensemble des retenues fiscales auprès des sociétés canadiennes par tous les paliers de gouvernement, en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), a tendance à augmenter, selon une étude qu'il vient de mener pour la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.

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