Faut-il vendre ou racheter des actions de BCE, maintenant qu'elle a confirmé son sabordement au profit d'une nouvelle fiducie de revenu créée avec Bell Canada, sa principale filiale? Chose certaine, c'est ce qu'ont fait de nombreux investisseurs, hier, après l'annonce du géant montréalais des télécommunications.

Faut-il vendre ou racheter des actions de BCE, maintenant qu'elle a confirmé son sabordement au profit d'une nouvelle fiducie de revenu créée avec Bell Canada, sa principale filiale? Chose certaine, c'est ce qu'ont fait de nombreux investisseurs, hier, après l'annonce du géant montréalais des télécommunications.

Déjà rehaussées par les rumeurs des dernières semaines, les actions de BCE ont encore bondi de 4 % à Toronto, terminant à 32,92 $, après avoir atteint 34,25 $ dès l'ouverture des marchés. Un volume énorme de 35,7 millions d'actions a changé de mains. Le pactole, donc, pour les actionnaires de BCE? Pas si vite, avertissent des experts. Car cette activité boursière suscitée par l'avènement de la fiducie Bell Canada augure aussi d'une amère pilule fiscale pour de nombreux actionnaires individuels de BCE.

C'est qu'une telle conversion d'entreprise, qui créera la plus grosse fiducie de revenu à date au Canada, équivaudra à une revente forcée des actions de BCE par ses actionnaires.

D'une part, ces investisseurs se retrouveront avec des parts de fiducie dont la rémunération annuelle sera moins avantageuse, au point de vue fiscal, que les dividendes versés à des actions ordinaires.

D'autre part, avec le récent regain boursier de BCE, plusieurs actionnaires de longue date se retrouveront avec un important gain de capital imposable, si les titres ne sont pas détenus dans un REER par exemple. Et pas nécessairement au meilleur moment de leur planification fiscale.

Ce gain de capital représentera la différence entre le coût d'achat de leurs actions des BCE et la valeur marchande des parts de la nouvelle fiducie Bell Canada, après l'échange à une pour une.

Pour le moment, la plupart des analystes prévoient que cette valeur des parts sera un peu supérieure à la valeur de l'action de BCE, en raison de l'exemption d'impôt corporatif dont bénéficient les fiducies de revenu.

" Les parts de la prochaine fiducie Bell Canada devraient se négocier autour de 36 $ en Bourse, selon les paramètres financiers de BCE et ceux de sa concurrente Telus, qui a déjà amorcé sa conversion ", a noté l'analyste en télécommunication Greg MacDonald, de la Financière Banque Nationale, dans un premier avis à ses clients, hier.

Autre préoccupation pour les actionnaires de BCE: le risque de fluctuation de la distribution annoncée pour les parts de la fiducie Bell Canada.

Pour le moment, BCE annonce cette distribution annuelle à hauteur de 2,55 $ par part. Cette somme semble avantageuse par rapport au dividende actuel de 1,32 $ par année pour chaque action ordinaire de BCE.

Néanmoins, soulignent des experts, le montant des distributions des fiducies de revenu dépend beaucoup de leur rentabilité à court terme, selon l'évolution de leurs affaires et leurs autres besoins en capitaux.

En comparaison, le montant des dividendes par action est habituellement plus stable, malgré les fluctuations d'affaires.

Dans ce contexte, les actionnaires de BCE se retrouveront forcés d'échanger des actions à dividende relativement sûr pour des parts d'une fiducie dont les distributions annuelles, même supérieures, seront plus incertaines. " En raison de sa taille, la fiducie Bell Canada sera sans doute moins risquée que nombre d'autres fiducies créées à partir d'entreprises plus petites et moins solides financièrement ", a souligné Mario Richard, associé et stratège principal chez Sceptre Investment Counsel, à Toronto.

" Mais à plus long terme, dans deux ou trois ans par exemple, que fera la fiducie Bell Canada si elle se retrouve serrée financièrement en raison d'investissements accrus et d'une bagarre de tarifs, pour soutenir la concurrence? "

Par ailleurs, pour les investisseurs particuliers, les parts de la future fiducie seront affublées d'un nouveau risque politique par rapport aux actions de BCE. " Les détenteurs de parts de la nouvelle fiducie de revenu Bell Canada, comme les autres d'ailleurs, auront tout intérêt à garder un oeil sur les politiques fiscales d'Ottawa à leur égard ", a résumé Rory Buchalter, vice-président principal à l'agence financière DBRS.

D'autant qu'avec une conversion d'entreprise aussi grosse que Bell Canada, après celle de Telus, le fédéral pourrait être tenté comme jamais de réviser la fiscalité des fiducies, qui lui a déjà coûté des centaines de millions en impôts corporatifs perdus.

Selon Patrick Kim, de KBSH Capital Management, " le gouvernement conservateur actuel (de M. Harper) semble plutôt favorable au système des fiducies de revenu. Mais si les libéraux reprennent le pouvoir, ils pourraient réviser considérablement l'avantage fiscal des fiducies de revenu, comme ils avaient laissé entendre sous les gouvernements Chrétien et Martin ".

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