C'est presque une relation d'«amour-haine» qui s'est nouée entre le Mouvement Desjardins et Norbourg quand les deux entités ont commencé à brasser des affaires.

C'est presque une relation d'«amour-haine» qui s'est nouée entre le Mouvement Desjardins et Norbourg quand les deux entités ont commencé à brasser des affaires.

Alors que s'amorce mercredi matin le dernier droit du procès pénal du PDG déchu avant un ajournement estival, les nouveaux témoins Jacques Lussier (Desjardins) et Eric Poupart (Citibank) se sont présentés devant le juge Claude Leblond.

M. Lussier, vice-président aux Placements mobiliers chez Desjardins Gestion d'actifs, a bien expliqué à quel point le Mouvement tenait à encourager un gestionnaire montréalais à travailler dans les fonds de couverture.

L'homme longiligne a expliqué qu'en 1999, l'industrie des hedge funds était bien établie aux États-Unis, mais pas au Canada et surtout pas à Montréal.

C'est donc pour cela que la filiale qui s'appelait Desjardins Opvest à l'époque a sauté à pieds joints sur l'occasion de faire affaire avec Norbourg.

Ancien enseignant aux HEC, M. Lussier a connu Vincent Lacroix par l'entremise des anciens confrères universitaires Mario Lavallée et Jacques Bourgeois. On lui a donc proposé «une stratégie qui semblait plausible» avec le fonds Eloria de Norbourg.

La suite est bien connue: de 2000 à 2004, Norbourg a reçu 20 M$ empruntés par Desjardins à Citibank grâce à une entente de flux monétaires. Citibank recevait des intérêts sur l'argent emprunté et Desjardins assumait le risque de placement, devant renflouer Citibank si la valeur descendait en bas de 20 M$.

Même si le poids de Nortel et son impact négatif sur les 5 M$ initialement placés chez Norbourg ont entraîné des pertes de 614 000 $ en 2000, l'institution financière tenait à entretenir ses liens d'affaires.

C'est pour cela que M. Lussier a multiplié les rencontres de suivi afin de mieux contrôler les risques, discutant de ses «intentions futures de placement» avec M. Lacroix. Cela a débouché sur les 15 M$ de plus qui ont été investis.

Dans tout cela, le témoin n'a jamais été invité à commenter la thèse selon laquelle l'argent de son employeur a fait l'objet de retraits irréguliers.

La façon dont Desjardins a largué Norbourg en juin 2004 est toutefois révélatrice quant à son attitude face aux gestionnaires de fonds. Si le mouvement québécois tenait à créer un succès local, elle n'allait pas accepter n'importe quoi.

Quand Vincent Lacroix a révélé au journal Finance et Investissement le 1er juin de la même année sa relation avec Desjardins dans un texte au ton jugé négatif, Desjardins a ri jaune. Seulement dix jours plus tard, Norbourg se faisait retirer son mandat de gestion, devant rembourser 22,3 M$ à Citibank.

«Nous n'avons pas intérêt à travailler avec des gestionnaires qui font parler d'eux de façon négative dans les journaux», a résumé Jacques Lussier.

Et Desjardins n'hésite jamais à retirer un mandat, ce qu'elle fait une quinzaine de fois par année. Elle rencontre aussi 150 gestionnaires de fonds annuellement, ce qui lui fournit suffisamment d'occasions d'affaires pour ne pas s'«accrocher» à un partenaire.

Par ailleurs, le premier témoin de la journée a été Eric Poupart, employé de Citibank. Il a fait un passage rapide dans la salle de cour, ne faisant que détailler la signature des contrats pour prêter des sommes à Desjardins.

Vincent Lacroix a tenté de lui poser des questions pointues sur le fonctionnement des fonds de couverture, mais M. Poupart disait ne pas connaître le domaine. Le juge a rapidement rappelé que M. Lacroix questionnait «un témoin ordinaire» et non un expert.