Quoi qu'ils en disent, les petits actionnaires de Bell Canada (T.BCE) seront loin de se retrouver floués si la fermeture du capital de la compagnie se concrétise.

Quoi qu'ils en disent, les petits actionnaires de Bell Canada [[|ticker sym='T.BCE'|]] seront loin de se retrouver floués si la fermeture du capital de la compagnie se concrétise.

Mercredi, des actionnaires individuels détenant le titre depuis plusieurs années se sont amenés aux micros de l'assemblée générale pour protester contre une éventuelle fermeture. Ce scénario ferait perdre un dividende précieux aux retraités et entraînerait des impôts costauds sur un soudain gain en capital, ont-ils plaidé.

Si les experts voient une part de vérité dans ces doléances, aucun ne plaint pour autant les nombreux investisseurs qui misent sur Bell depuis des décennies afin d' assurer leurs vieux jours. L'entreprise a longtemps fait figure de placement à long terme de premier choix dans un portefeuille.

«Beaucoup de personnes âgées ont cette action-là», confirme Luc Godbout, directeur de la chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

Il vaudrait mieux pour ces gens encaisser leurs gains progressivement que d'être obligés de vendre en bloc, admettent les spécialistes.

«Un actionnaire qui a acheté le titre il y a 20 ans a vu son placement multiplié par neuf, sans compter le dividende», calcule Luc Girard, directeur du groupe conseil en portefeuille chez Valeurs Mobilières Desjardins. Sur 1000 actions achetées à 4,38 $ en décembre 1986, il a fait un profit de 35 000 $.

Comme la moitié des gains de placement sont imposables au moment de l'encaisse et comme ils s'ajoutent aux autres revenus des contribuables, l'année 2007 pourrait laisser un arrière-goût fiscal amer au petit actionnaire de Bell. Dans le pire des cas, le rendement de ses actions le propulsera dans une tranche d'imposition plus élevée.

«C'est sûr que quelqu'un qui a beaucoup d'actions et qui les vend d'un coup va faire un gros gain, convient la planificatrice financière Nathalie Bachand. Normalement, on vend par tranches dans un cas comme celui-là pour épargner de l'impôt.»

Quant au dividende, les investisseurs pourraient avoir du mal à trouver l'équivalent ailleurs. Bell le maintient actuellement à 3,7 %, et il a longtemps atteint 4 %. Une personne détenant pour 10 000 $ d'actions reçoit ainsi 370 $ par année.

«De nos jours, peu de compagnies offrent un dividende de 4 %», observe Luc Girard.

Mais de là à pleurer sur le sort prévisible des petits investisseurs, il y a un fossé que les experts ne franchissent pas : le titre, qui végétait depuis cinq ans sous les 30 $, a bondi d'une dizaine de dollars depuis que le marché spécule sur une fermeture de capital.

Il se négocie ces jours-ci autour de 39 $ et, selon certains gestionnaires, les consortiums qui convoitent l'entreprise pourraient offrir jusqu'à 45 $. La vente rapporterait alors 55 %.

«Quand vous payez beaucoup d'impôt, c'est que vous avez fait beaucoup d'argent», rappelle Luc Girard.

«Je ne comprends pas trop ces gens qui se plaignent de ce que Bell va leur faire faire de l'argent, renchérit Jean Legault, professeur retraité de l'UQAM et membre du conseil d'administration du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC).

«On n'est pas actionnaire d'une compagnie seulement pour son dividende, poursuit M. Girard. BCE ne rapportait pas beaucoup ces dernières années, et ça vient de changer. Ces jours-ci, les investisseurs obtiennent à la fois à un bon rendement et un bon dividende. Ils sont en affaires.»

Il croit aussi que le marché regorge d'occasions de placement et que les vendeurs ne seront pas en peine d'en trouver d'autres.

Luc Godbout ajoute que le problème des impôts n'est pas propre à la fermeture éventuelle du capital de Bell: ironiquement, plusieurs personnes âgées ayant laissé fructifier des placements ont fait des gains tels... qu'ils ne les encaissent pas.

«L'impôt a un effet de blocage, mais on ne peut pas le reporter indéfiniment», fait valoir le professeur.

«C'est vrai que si BCE avait pu en arriver à son évaluation d'aujourd'hui sans vendre, ça aurait été encore mieux», nuance Luc Girard.