Les pertes d'emplois administratifs annoncées lundi par le géant alimentaire Loblaw (T.L), qui toucheront aussi sa direction de Provigo au Québec, ravivent les inquiétudes d'accès au marché dans l'industrie agroalimentaire québécoise.

Les pertes d'emplois administratifs annoncées lundi par le géant alimentaire Loblaw [[|ticker sym='T.L'|]], qui toucheront aussi sa direction de Provigo au Québec, ravivent les inquiétudes d'accès au marché dans l'industrie agroalimentaire québécoise.

D'autant plus que cette cure minceur - jusqu'à 1000 postes d'ici neuf mois - a parmi ses objectifs déclarés de centraliser davantage au siège social torontois les décisions d'achat du plus grand distributeur et détaillant en alimentation au Canada.

«De tels changements de la part d'une entreprise aussi grosse que Loblaw et sa division Provigo au Québec nous préoccupent parce qu'ils risquent de compliquer l'accès de nos entreprises, en particulier les PME, aux principaux décideurs d'achat», a indiqué Jacques Légaré, PDG du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation (CTAC).

À l'Union des producteurs agricoles (UPA), un porte-parole, Denise Audet, a aussi souligné que «tout ce qui touche l'accès aux acheteurs de Loblaw nous préoccupe, d'autant que l'entente spéciale sur ses achats au Québec, après l'acquisition de Provigo en 1998, est parvenue à échéance l'an dernier».

Selon cette entente, Loblaw devait continuer d'acheter pour au moins pour 2,4 milliards de dollars par année auprès de fournisseurs québécois.

L'entreprise devait faire un rapport annuel aux principales instances de l'industrie agroalimentaire, dont le CTAC.

Au dernier compte rendu, au printemps 2006, Loblaw déclarait avoir dépassé les trois milliards par an en achats au Québec.

À ce moment, Jacques Légaré, du CTAC, avait indiqué à La Presse Affaires que «Loblaw a respecté la lettre de son entente, mais pas tout son esprit. Ses achats au Québec devraient être encore plus élevés, considérant la croissance de ses ventes totales».

Mais hier, après les compressions administratives annoncées par Loblaw, M. Légaré s'est dit au moins rassuré par le dialogue en cours avec les dirigeants de l'entreprise.

«J'ai déjà eu une discussion ce matin (mardi) avec Daniel Tremblay, le vice-président de Loblaw/Provigo pour le Québec. Les changements sont prévus sur plusieurs mois, et leur ampleur finale au siège administratif régional (à Montréal) sont encore incertains», a indiqué M. Légaré.

«Par ailleurs, il faut dire que Loblaw s'est doté à Montréal, il y a quelques mois, d'un facilitateur d'accès pour les PME agroalimentaires québécoises. Les plus grandes entreprises, elles, sont habituées à faire affaires avec Toronto.»

Par ailleurs, des rencontres de suivi entre des hauts dirigeants de Loblaw, de Montréal et de Toronto, sont en préparation pour la mi-avril. On prévoit la participation d'une cinquantaine d'entreprises membres du Conseil des transformateurs agroalimentaires.

Entre-temps, le Conseil tiendra son congrès annuel à Québec, à la mi-mars prochain. L'accès aux tablettes des grands distributeurs qui dominent le marché fera partie des principaux points au programme.

«À cet égard, Loblaw et Provigo représentent des difficultés d'accès comparables à celles des autres grands distributeurs, comme Métro et Sobeys/IGA», a indiqué M. Légaré.

«Mais dans le cas de Loblaw, nous devons surveiller l'ampleur de sa rationalisation administrative, et son impact sur les débouchés de nos membres.»

Patience pour les actionnaires

Pendant ce temps, en Bourse, l'ampleur et le coût de la restructuration chez Loblaw ont étonné nombre d'investisseurs, ainsi que les analystes qui l'ont à l'oeil.

À la Bourse de Toronto, ses actions ont glissé de 3% en matinée avant de terminer en baisse de 0,5%, à 50,95$. Un nombre élevé de 1,2 million d'actions a changé de mains.

Selon des analystes, les actionnaires de Loblaw devront être patients, peut-être deux ans encore, avant d'y revoir un regain de rentabilité.

D'autant plus que les compressions gonfleront à plus de 400 millions les frais spéciaux de restructuration à inscrire à court terme aux résultats financiers de Loblaw.

Et ça, alors que ses actionnaires attendent encore les résultats tangibles des 4 milliards investis par Loblaw depuis trois ans pour se restructurer et rehausser sa compétitivité.

«Le cheminement de Loblaw vers la relance sera encore long. Et en ce sens, le rebond récent de ses actions en Bourse est prématuré», avertit l'analyste Irene Nattel, spécialiste du commerce de détail chez Marchés des capitaux RBC.

Mme Nattel maintient sa cote négative de (sous-performance) envers les actions de Loblaw, comme le fait son vis-à-vis Perry Caicco, analyste chez Marchés mondiaux CIBC.

«Ces grosses coupes de personnel administratif sont une première étape des prochains gros défis de Loblaw, d'autant qu'elles risquent d'affecter la gestion au niveau des magasins même», a écrit M. Caicco à ses clients.

«Or, Loblaw est déjà perçue par les consommateurs comme ayant perdu son caractère innovateur en produits et services.»

Pour la suite, les analystes attendront plus d'explications de la part des nouveaux hauts dirigeants de Loblaw, dont le président Galen Weston Jr, lors d'une conférence financière extraordinaire convoquée à Toronto, le 21 février prochain.