Après s'être cogné solidement le nez aux États-Unis, le Groupe Jean Coutu a décidé de se concentrer sur le marché canadien où il espère accélérer son expansion. La partie est cependant loin d'être gagnée d'avance.

Après s'être cogné solidement le nez aux États-Unis, le Groupe Jean Coutu a décidé de se concentrer sur le marché canadien où il espère accélérer son expansion. La partie est cependant loin d'être gagnée d'avance.

Il faut dire qu'au Québec, les activités de Jean Coutu ne vont pas si mal où 60 % de son chiffre d'affaires émanent de la vente de médicaments sous ordonnance. Au cours des derniers mois, les ventes de ses 300 pharmacies ont progressé de 8 %.

"Le hic, c'est que dans le reste du pays, la concurrence est féroce. Il y a peu de place pour de nouveaux joueurs", note le gestionnaire Pierre Bernard de l'Industrielle-Alliance.

En Ontario, le principal concurrent de Jean Coutu, Shoppers Drug Mart, rayonne de santé. Ses 1000 magasins au pays - dont la moitié est concentrée en Ontario - sont très rentables, alors que ses activités québécoises autour des Pharmaprix continuent de croître à un rythme soutenu.

Au cours du dernier trimestre, Shoppers Drug Mart a vu son bénéfice gonfler de 15 % et son chiffre d'affaires avancer de 9 %. Hier, l'action de Shoppers a terminé la journée à 48,31 $, alors que celle de Jean Coutu à 12,05 $.

Outre Shoppers Drug Mart, le marché ontarien de la pharmacie est aussi parsemé de joueurs bien implantés. Le groupe Katz, qui compte des centaines de magasins de marque Rexall, Guardian et I.D.A., fait face aux géants de l'alimentation Loblaw et Wal-Mart dont les pharmacies intégrées à leurs grandes surfaces tirent leur épingle du jeu.

Dans ce contexte, une expansion en Ontario est toujours possible, mais coûterait les yeux de la tête, croient plusieurs analystes.

Aux États-Unis, le délestage de ses 1858 pharmacies Brooks et Eckerd permettra à Jean Coutu - une décision des autorités américaines de la concurrence est attendue sous peu - de toucher 32 % des actions de Rite Aid et de devenir le numéro 3 de la pharmacie en sol américain, derrière Walgreen's et CVS.

Cette transaction permettra aussi à Jean Coutu d'encaisser au passage 1,45 milliard $ en argent liquide. Pratiquement sans dette, Jean Coutu aura dans ses goussets près de 500 millions $ pour procéder à des acquisitions et rénover ses magasins actuels.

Conséquence : Jean Coutu aura les moyens de courtiser en 2007 une chaîne de pharmacies plus petite pour consolider sa présence au Québec, avance Pierre Bernard. Dans la mire ? On peut certes penser à Brunet ou encore à Familiprix.

D'ici là, Jean Coutu s'attend à un retour à la rentabilité dans un avenir rapproché. Il faut dire qu'au cours du dernier trimestre, l'aventure américaine a laissé des traces avec des pertes de 108 millions $US comparativement à un profit de 11,1 mil- lions $US un an plus tôt.

Alors on achète ou on vend ? Chez RBC Capital, on croit que l'intégration des magasins Brooks et Eckerd au réseau de Rite Aid devrait générer des bénéfices plus importants que prévu pour Jean Coutu. "Ce qui devrait avoir un impact sur le cours de l'action", souligne l'analyste Irene Nattel qui fixe un prix cible à 14,50 $ d'ici 12 mois.

Un son de cloche tout à fait différent pour Jim Durran de la Financière Banque Nationale dont le cours cible a été ramené à 12 $. L'analyste soutient que la croissance sera peu marquante pour prévoir une envolée du titre à court terme.

L'analyste Keith Howlet de Valeurs mobilières Desjardins avance pour sa part que le réseau américain de Rite Aid est plus rentable que celui d'Eckerd et Brooks. Avec des ventes en hausse de 55 %, le "nouveau" Rite Aid devrait ainsi dégager des marges bénéficiaires significatives et générer un "rendement positif" pour Jean Coutu. Il fixe le prix cible de l'action à 15,50 $ d'ici 12 mois.

De son côté, Pierre Bernard ne recommande pas l'achat de Jean Coutu. "J'aime bien le management actuel, mais ça va prendre quelque chose de gros pour me faire changer d'idée", explique-t-il. Par les temps qui courent, le gestionnaire avoue avoir plutôt un faible pour Shoppers Drug Mart dont les résultats, dit-il, sont solides.

Jean Coutu en bourse Symbole boursier : PJC.A Fermeture hier : 25,60$ Variation cette année : 8,6% Rendement total 1 an: 10,1% Chiffre d'affaires :12,2 G$US Valeur boursière : 5,1 G$ pcouture@lesoleil.com