La laiterie de Coaticook fait un pied de nez à des géants de l'agroalimentaire comme Nestlé et Unilever.

La laiterie de Coaticook fait un pied de nez à des géants de l'agroalimentaire comme Nestlé et Unilever.

Au moment où les ventes de crème glacée de ces multinationales (et de l'industrie en général) stagnent au Canada, la PME des Cantons-de-l'Est a doublé sa production entre 2003 et 2007.

Selon différentes statistiques colligées auprès de la Fédération des producteurs de lait du Québec (FPLQ), la consommation de crème glacée stagne d'un océan à l'autre.

Depuis 10 ans, la production canadienne de ce dessert glacé est en dent de scie. Durant la décennie 1996-2006, il s'en est produit en moyenne 320 millions de litres annuellement. Les pires années, la production a chuté à 280 millions de litres.

Selon Alain Bourbeau, agronome à la FPLQ, la consommation nationale de crème glacée serait donc à la baisse. «La grosse tendance observée, c'est que l'approvisionnement en lait par les fabricants de crème glacée est carrément en chute libre», dit-il.

Mais la Laiterie de Coaticook est une exception; ses besoins en lait ne cessent d'augmenter. «Cette laiterie prouve qu'il est possible de scorer en faisant de la bonne crème glacée», estime M. Bourbeau.

Dans un monde où les crèmes glacées contiennent en effet de plus en plus de substances laitières modifiées (notamment de l'huile de beurre), les produits de la PME québécoise connaissent un succès fou, car ils sont faits à base de lait et de crème.

Cette laiterie est pour ainsi dire le dernier des Mohicans.

«Sur le marché, peu importe le fabricant, notre rapport qualité-prix est imbattable. Et en plus, nous jouissons d'un vent de sympathie de la part des médias et de plusieurs personnalités publiques qui parlent de nous dès qu'elles en ont l'occasion», explique Jean Provencher, président de la PME.

À titre d'exemple, le format deux litres de crème glacée de la laiterie québécoise se vend entre 4,49$ et 5,29$. Des produits comparables, dans lesquels les multinationales ne mettent ni lait, ni crème, sont plus onéreux.

Bref, rappelle l'agronome Alain Bourbeau, en achetant les produits des multinationales, le consommateur paye plus cher pour un produit qui a coûté beaucoup moins cher à produire.

Avec ses 80 employés, la Laiterie de Coaticook est le plus important fabricant de crème glacée au Québec. Il subsiste encore dans la Belle province quelques autres producteurs de crème glacée appartenant à des intérêts locaux: Les Aliments Lebel, La Laiterie de La Baie, Lambert, La Laiterie Chagnon, etc.

Le chiffre d'affaires de la PME oscille "entre 10 et 20 millions", résume Jean Provencher. Elle possède 10% du marché québécois, alors que Nestlé et Unilever en accaparent 75%.

Les produits de la PME des Cantons-de-l'Est sont présents dans 70% des marchés d'alimentation du Québec. Elle dessert également quelques centaines de bars laitiers aux quatre coins de la province.

L'entreprise, détenue par Jean Provencher et sa soeur Johanne, est actuellement en mode réflexion.

Elle songe aux façons d'élargir sa distribution. Même s'il y a encore de la place pour progresser au Québec, la Laiterie Coaticook n'exclue pas l'idée de vendre ses produits dans les autres provinces canadiennes. Mais Jean Provencher refuse de s'étendre davantage sur le sujet.

Il ne cache cependant pas que la PME planche sur de nouveaux produits. Des tests de dégustation avaient d'ailleurs cours lors du passage de La Presse Affaires.

De quoi s'agit-il? D'une crème glacée encore plus relevée ou d'une gâterie «cochonne» à la Häagen Dazs?

«Nous avons la volonté de créer une crème glacée haut de gamme qui va se démarquer des autres crèmes glacées haut de gamme», élude Jean Provencher.

La production de crème glacée représente 75% des activités de la Laiterie de Coaticook. Les autres 25% sont concentrées dans la fabrication de fromages (cheddar, mozarella, chèvre), vendus sur une base régionale.

L'entreprise compte 31 saveurs de crème glacée, dont 17 sont disponibles dans les marchés d'alimentation. Elle produit également des bûches de Noël. La PME traite environ sept millions de litres de lait par année, soit la production de quinze fermes laitières

Jean Provencher, 44 ans, avait 10 ans lorsqu'il a travaillé à la Laiterie Coaticook pour la première fois. Son père Émile a été actionnaire de 1968 à 1974, puis copropriétaire de 1974 à 1989, année où Jean et Johanne Provencher ont acheté l'entreprise. En 2003, ils ont emménagé dans une nouvelle usine de 39 000 pieds carrés.

Dans ses nouvelles installations, la PME pourrait facilement quadrupler sa production actuelle de crème glacée, que Jean Provencher refuse de chiffrer pour des motifs concurrentiels.

Quant à la relève, elle semble être au rendez-vous. Les quatre filles de Jean Provencher ont en effet commencé à bosser au sein de l'entreprise familiale.