Un an après le «massacre» de l'Halloween, les fiducies de revenu n'ont pas fini de panser leurs plaies.

Un an après le «massacre» de l'Halloween, les fiducies de revenu n'ont pas fini de panser leurs plaies.

Et leur cauchemar se poursuit avec l'annonce, jeudi soir, de nouvelles redevances qui seront imposées aux producteurs d'énergie en Alberta.

L'année dernière, le soir du 31 octobre, le ministre des Finances fédéral, Jim Flaherty, avait pris les investisseurs par surprise en annonçant que les fiducies de revenu paieraient de l'impôt à partir de 2011.

Dès le lendemain, les titres se sont écrasés de 13%. Et ils ne s'en sont toujours pas remis.

«Même en incluant les distributions, les investisseurs n'ont pas fait d'argent depuis un an», rapporte Jean-Paul Giacometti, vice-président de la firme d'investissement Claret.

En fait, l'indice des fiducies de la Bourse de Toronto, qui inclut le rendement des distributions versées aux investisseurs, est en baisse de 2% depuis le 31 octobre dernier.

Au cours de la même période, le reste de la Bourse a connu un rendement total de presque 19% (indice S&P/TSX incluant le rendement de dividende, excluant les fiducies).

«C'est un écart de performance très large», considère Kevin Hall gestionnaire de portefeuille au Groupe de fonds Guardian. Cela démontre que le prix des fiducies reflète désormais l'impact du futur impôt.

Présentement, comme les fiducies redistribuent la majeure partie de leurs profits à leurs détenteurs, leurs bénéfices ne sont pas imposés.

Ce sont les détenteurs de part qui paient l'impôt. Or, tous les investisseurs qui détiennent des fiducies dans un compte enregistré non imposable (REER, FERR, caisses de retraite), n'ont pas à payer un sou d'impôt, tant et aussi longtemps qu'ils ne retirent pas leurs économies.

Cette brèche aurait privé le Trésor fédéral de milliards de dollars revenus fiscaux, si Telus et BCE s'étaient convertis en fiducies, comme ils venaient de l'annoncer à pareille date l'an dernier. C'est ce qui a forcé le gouvernement à intervenir

Toutefois, le ministre Flaherty n'est pas le seul à blâmer pour la contre-performance des fiducies.

Beaucoup de fiducies sont des petites et moyennes entreprises.

«Ça faisait six ans que les petites faisaient mieux que les grandes. Mais depuis quatre mois, les PME font moins bien à la Bourse», note M. Giacometti. Depuis la crise du crédit, les investisseurs préfèrent les sociétés bien établies et les valeurs sûres.

Autre bémol. Plus de la moitié des fiducies oeuvrent dans le secteur de l'énergie. Derrière la hausse fulgurante du prix du pétrole qui vient de toucher 92 $ US le baril, se cache une autre réalité.

Le gaz naturel, beaucoup plus sensible à la météo nord-américaine, est en panne. Or, la majorité des fiducies sont plutôt orientées vers le gaz naturel.

Cette semaine, elles ont reçu le coup de grâce. Le gouvernement Albertain a décidé que les producteurs d'énergie lui verseraient 1,4 milliard de redevances additionnelles, à partir de 2009.

Le montant est inférieur à ce qu'un comité indépendant avait recommandé, à la mi-septembre. Mais il reste plus élevé que ce que l'industrie redoutait.

«Certaines fiducies qui n'ont pas encore réduit leurs distributions, devront certainement le faire compte tenu des perspectives difficiles en 2008», note Brian Purdy, analyste à la Financière Banque Nationale.

Cette semaine - +2,1%Les services financiers ont soutenu la Bourse de Toronto, hier, si bien que l'indice S&P/TSX a bondi de 171,49 points pour clore à 14 296,43. Pour la semaine, le S&P/TSX affiche un gain de 2,1%.

Le secteur de l'énergie profitait hier de l'envolée du cours du pétrole mais était freiné par l'annonce de l'Alberta, tard jeudi, d'une augmentation des redevances payables à la province à compter de 2009.

Qu'est-ce qu'une fiducie de revenu?

- La fiducie de revenu est un moule, une coquille légale différente de celle d'une corporation.

- La fiducie redistribue la majeure partie de ses profits à ses détenteurs, contrairement à la corporation qui en réinvestit une bonne part pour stimuler sa croissance.

- Le traitement fiscal est différent. Les profits d'une compagnie sont imposés à deux paliers, dans les coffres de l'entreprise, puis dans le portefeuille des investisseurs lorsqu'ils reçoivent des dividendes.

Les profits des fiducies sont imposés seulement dans les poches des investisseurs... sauf s'ils sont à l'étranger, ou s'ils investissent dans des comptes enregistrés à l'abri de l'impôt.

Pourquoi sont-elles devenues si populaires?

- Au début des années 2000, les fiducies étaient les stars de la Bourse. La faiblesse des taux d'intérêt a ouvert l'appétit des investisseurs pour leurs distributions stables et élevées.

- En cinq ans, les détenteurs de fiducies ont presque quadruplé leur mise, en calculant le gain en capital et les distributions.

- Le nombre de fiducies à la Bourse de Toronto a triplé en cinq ans. On en dénombrait 247 en 2005.

- Leur valeur boursière s'élevait à 1900 milliards de dollars, soit 10% de la Bourse.

Où était le problème?

- Pour profiter de l'avantage fiscal, une cinquantaine de corporations pesant environ 70 milliards, se sont converties en fiducies, sur quatre ans. Une perte de revenus fiscaux de 570 millions pour le Trésor fédéral, en 2007.

- Quand Telus et Bell, ont annoncé leur conversion, c'en était trop. À elles seules, ces deux conversions auraient fait perdre des centaines de millions au fédéral.

Quelle était la surprise d'Halloween?

- Le soir de l'Halloween, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a sorti toute une surprise: à partir de 2011, les fiducies devront payer de l'impôt!

- D'ici quatre ans, impossible de créer une nouvelle fiducie.

- La croissance des fiducies existantes est balisée: une fiducie peut se financer en émettant de nouveaux titres, mais elle ne peut diluer son capital de plus de 40% en 2007, et 20% en 2008, 2009 et 2010.

- Seules les fiducies immobilières (reits) seront épargnées du futur impôt.

Quel a été l'impact depuis un an?

- Dès le lendemain de l'annonce, l'indice des fiducies de revenus a dégringolé de 12%, une hémorragie de 20 milliards.

- Même en incluant les distributions, l'indice des fiducies de revenu reste en baisse de 2,7%, par rapport à son niveau pré-annonce.

- Depuis un an, le nombre de fiducies a fondu: 32 transactions ont été conclues, et 14 autres sont annoncées.