En devenant caissière dans une épicerie, Manon était persuadée que les seules remontrances qu'elle subirait seraient celles de quelques clients frustrés. Elle ignorait à l'époque que c'était plutôt l'assistant-gérant du magasin qui deviendrait son pire cauchemar.

En devenant caissière dans une épicerie, Manon était persuadée que les seules remontrances qu'elle subirait seraient celles de quelques clients frustrés. Elle ignorait à l'époque que c'était plutôt l'assistant-gérant du magasin qui deviendrait son pire cauchemar.

«Il m'humiliait, m'insultait et se moquait constamment de mon apparence physique devant les clients et les autres employés», raconte la caissière qui préfère conserver l'anonymat.

Le patron de Manon fait partie d'une catégorie de travailleurs qui prend un malin plaisir à miner le moral des autres. Il est un «chien sale», selon la terminologie de Robert I. Sutton.

Ce professeur de management à l'Université de Stanford est récemment parti en croisade contre ces harceleurs avec son best-seller Objectif zéro chien sale - Comment neutraliser les experts en insultes, remarques dégradantes, blagues humiliantes et rituels vexatoires.

«On retrouve les chiens sales dans toutes les organisations, explique-t-il au bout du fil. En un mot, ce sont des gens qui, par leur comportement, vous laissent atterrés et démoralisés. Ils s'attaquent généralement à plus faible qu'eux.»

Excédé par le mépris, l'agressivité et l'hypocrisie de ces travailleurs, le professeur n'hésite pas à employer un langage cru à leur égard, comme en témoigne le titre original du livre, The No-Asshole Rule.

«Au-delà du fait que je voulais frapper l'imaginaire du public, je trouve qu'il n'y a pas de meilleur qualificatif pour décrire ces personnes», déclare-t-il.

Robert Sutton a travaillé à maintes reprises avec des entreprises où sévissaient les chiens sales.

«On les tolère parce que, d'une part, on en a peur, mais aussi parce qu'on les admire. Souvent, ce sont des gens qui réussissent. Ils grimpent dans la hiérarchie en exploitant l'intimidation et la peur. On en vient ainsi à trouver normal qu'un grand patron agisse comme un tyran.»

L'auteur ne manque pas d'exemples pour illustrer ce qu'il avance. Au panthéon des puissants chiens sales, on retrouve l'ancien ambassadeur américain aux Nations unies, John C. Bolton, le PDG d'Apple, Steve Jobs, l'ancienne PDG de la société de prêt-à-porter Warnaco, Linda Wachner, le producteur de cinéma, Scott Rudin, et l'ex-PDG de Miramax, Harvey Weinstein.

«Pourtant, on peut être un travailleur qui a du succès tout en demeurant civilisé», insiste Robert Sutton. D'autant plus que les profits réalisés grâce aux chiens sales efficaces semblent bien minces comparés aux coûteux ravages de leur conduite.

Ils sont responsables d'un roulement de personnel plus important et d'une hausse de l'absentéisme. Leurs victimes se déclarent malheureuses dans leur vie professionnelle.

Elles ont de la difficulté à se concentrer au travail et souffrent de troubles psychologiques et physiques, notamment d'insomnie, de crises d'angoisse, d'un sentiment de dévalorisation, de fatigue chronique, d'irritabilité et de dépression.

Une société de la Silicon Valley a calculé les dépenses collatérales générées par un de leur vendeur reconnu pour son mauvais caractère légendaire. Résultat : une perte de 160 000 $ US causée par des démissions en série, une perte de motivation et de nombreuses dépressions.

Mettre les chiens sales en échec

Rien ne justifie qu'on tolère ces individus, répète Robert Sutton. C'est pourquoi il presse les organisations à adopter l'objectif zéro chien sale: clamer haut et fort que les chiens sales n'ont pas leur place dans l'entreprise et agir en conséquence.

«Débarrassez-vous d'eux au plus vite, suggère M. Sutton, car le virus du chien sale est contagieux. Un chien sale sommeille en effet en chacun de nous.»

Craignant de perdre son job, Manon a longtemps courbé l'échine devant l'assistant-gérant de l'épicerie. Plus d'une fois, elle est retournée chez elle en pleurs. Jusqu'au jour où elle en a eu assez.

«Au risque d'être renvoyée, j'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai dénoncé au gérant. À ma grande surprise, il était bien heureux de savoir tout ça. Il avait eu ouï-dire de ce qui se passait, mais n'avait pas de preuves concrètes pour accuser cet employé.»

L'assistant-gérant n'a pas été renvoyé, ce qui n'empêche pas Manon de travailler dorénavant en toute quiétude et, surtout, d'afficher une plus grande confiance en elle-même. Sans le savoir, elle a appliqué de belle manière l'objectif zéro chien sale.

«Il faut agir, car la vie est trop courte pour la passer à supporter les chiens sales», rappelle Robert Sutton.

LES 12 COMPORTEMENTS DU «CHIEN SALE»

1. Lancer des insultes personnelles.

2. Envahir l'espace d'autrui.

3. Imposer des contacts physiques déplacés.

4. Proférer des menaces et pratiquer des formes d'intimidation verbale et non verbale.

5. Dissimuler, sous des plaisanteries sarcastiques ou des taquineries, des propos vexatoires.

6. Envoyer des courriels cinglants.

7. Critiquer le statut social ou professionnel.

8. Humilier par des remontrances faites en public.

9. Couper grossièrement la parole.

10. Porter des attaques hypocrites.

11. Jeter des regards accusateurs ou agressifs.

12. Traiter les gens comme s'ils étaient invisibles.

Seriez-vous bêtement un «chien sale» certifié?

Nous sommes tous un peu mesquins un jour ou l'autre, mais certains en font une carrière. Ceux-là sont des «chiens sales certifiés», selon l'auteur de Objectif zéro chien sale, Robert I. Sutton.

Il vous propose ce test amusant, mais, surtout, révélateur de votre comportement au travail.

À chacune des affirmations suivantes, répondez par vrai ou faux:

- Vous avez le sentiment d'être entouré de crétins incompétents.

- Vous ne faites pas confiance à votre entourage et cette défiance est réciproque.

- Vous considérez vos collègues comme des concurrents.

- Vous pensez qu'un des meilleurs moyens de grimper les échelons est d'écarter les autres.

- Vous jouissez en secret de la souffrance des autres.

- Vous êtes souvent jaloux de vos collègues.

- Vous avez une petite liste d'amis et une longue liste d'ennemis, et vous êtes aussi fier de l'une que de l'autre.

- Parfois, vous ne parvenez pas à dissimuler votre mépris pour les minables et les abrutis qui travaillent avec vous.

- Vous trouvez utile de fusiller du regard certains des crétins de votre entreprise, de les insulter et parfois de leur crier après.

- Vous vous attribuez le mérite des succès de votre équipe.

- Dans les réunions, vous glissez des commentaires «innocents» qui n'ont pas d'autre but que d'humilier ou de déstabiliser la personne concernée.

- Vous êtes prompt à relever les erreurs des autres.

- Vous ne faites jamais d'erreurs. Lorsque les choses se passent mal, vous avez toujours quelqu'un à blâmer.

- Vous coupez sans cesse la parole parce que vous êtes convaincu que ce que vous avez à dire est plus important.

- Vous léchez les bottes de votre patron et d'autres gens importants et vous attendez de vos subordonnés la même attitude à votre égard.

- Vos blagues sont parfois un peu méchantes, mais elles sont très drôles.

- Lorsqu'ils vous parlent, les gens évitent votre regard et deviennent nerveux.

- Vous avez l'impression que les gens font toujours attention à ce qu'ils disent devant vous.

- Vos courriels reçoivent des réponses désagréables, et cela dégénère souvent en conflit.

- Les gens semblent hésitants à vous donner des renseignements personnels.

- Les gens s'arrêtent de rire ou de plaisanter lorsque vous arrivez.

- Lorsque vous arrivez, il y a toujours des personnes qui annoncent qu'elles doivent partir.

Votre score:

Comptez toutes les fois où vous avez répondu Vrai. 0 à 5 réponses Vrai : vous n'êtes apparemment pas un chien sale.

5 à 15 réponses Vrai: vous êtes à la limite du chien sale certifié. C'est peut-être le moment de changer de comportement avant que les choses empirent.

Plus de 15 réponses Vrai: vous êtes un chien sale certifié. Cherchez immédiatement de l'aide.