Demandez à votre entourage et vous aurez tôt fait d'accumuler les anecdotes sur les partys de bureau. «Les gens se sont mis à se lancer des os de poulet par la tête.»

Demandez à votre entourage et vous aurez tôt fait d'accumuler les anecdotes sur les partys de bureau. «Les gens se sont mis à se lancer des os de poulet par la tête.»

«La secrétaire a perdu son dentier dans la cuvette des toilettes.» «Le directeur des finances s'est retrouvé en bas-culottes lors d'un jeu et a détalé quand on a parlé de prendre une photo.»

Plus de la moitié des Canadiens affirment avoir déjà observé un collègue faire des bêtises lors d'un party de bureau, selon un sondage mené sur workopolis.com en novembre 2005.

Malheureusement, lors de ces fêtes, les incidents n'ont pas toujours un caractère cocasse.

Certains peuvent se déplacer sur un tout autre terrain, celui du harcèlement sexuel. Les partys de bureau seraient-ils particulièrement propices à ce genre de dérapage?

Le bon sens

Pas de façon flagrante, répond Me Jacques Rousse, associé, Groupe droit du travail et de l'emploi chez McCarthy Tétrault.

«Mais le simple bon sens nous indique que les circonstances peuvent s'y prêter. Il y a de l'alcool, les gens sont dans un esprit festif, ils sont bien habillés, ils se voient sous un autre éclairage, sur la piste de danse par exemple.»

Bien entendu, on ne parlera pas nécessairement de harcèlement sexuel pour le moindre petit baiser volé sous le gui. Tout est une question de contexte, précise Me Rousse.

Souvent, le harcèlement sera marqué par un caractère répétitif. En cas d'attouchements ou d'invitations à avoir des activités de nature sexuelle, le comportement sera considéré comme du harcèlement si la personne s'obstine malgré les protestations de sa victime.

Même chose en cas de propos ou de plaisanteries grivoises ou déshonorantes pour l'un ou l'autre sexe.

«Si les gens autour de la personne lui disent d'arrêter et qu'elle continue, même dans le cadre d'une seule soirée, il pourrait y avoir matière à plainte pour harcèlement », signale Me Rousse.

Par contre, observe le juriste, sitôt qu'un supérieur laisse entendre à un subalterne qu'il ou elle obtiendra des avantages en échange de faveurs sexuelles, il s'agit de harcèlement sexuel, que la situation se répète ou non. Pas de zone grise ici.

Responsabilité de l'employeur

Sur le plan juridique, l'employeur est tenu de fournir un milieu de travail libre de tout harcèlement. Or, sa responsabilité pourrait être engagée même au cours d'une fête qui se déroule hors de sa supervision.

Par exemple, l'employeur serait « probablement » considéré comme responsable si le harcèlement se produisait à la résidence d'un cadre qui a invité les membres de son équipe, selon que la réception a été organisée ou non à la demande de l'employeur.

Cependant, l'expérience de Me Rousse lui fait dire que les cas de harcèlement sexuel se règlent généralement par des mécanismes internes à l'entreprise plutôt que devant les tribunaux.

«Je serais en peine de vous citer des causes de jurisprudence québécoise ayant traité de harcèlement sexuel lors de partys de bureau », note-t-il.

Comme il demeure difficile pour l'employeur de s'immuniser contre tout recours, il aurait intérêt à mettre en place certaines mesures qui lui permettraient éventuellement de se défendre, affirme l'avocat.

Me Rousse recommande entre autres les mesures suivantes : se doter d'un code de conduite et le diffuser à l'avance. Offrir des boissons non alcoolisées. Tenir la réception hors des heures de travail et si possible à l'extérieur du bureau.

En cas de consommation d'alcool, on conseille de recourir aux services d'un barman professionnel, capable de refuser un verre à une personne déjà intoxiquée. On devrait aussi servir du café et non plus de l'alcool après une certaine heure.

L'associé de McCarthy Tétrault suggère également de prévoir la présence d'un responsable sur place. Chargé de surveiller le bon déroulement de la soirée, ce dernier pourrait intervenir en cas de situation problématique.

Un seul chaperon pour tout un groupe? Méchant contrat. Ne serait-il pas plus simple d'inviter les conjoints?

« Effectivement, ça pourrait permettre une certaine forme de contrôle », répond l'avocat en riant. « Pour garder la distance entre les collègues et réduire les risques de dérapage, ça m'apparaît une très bonne idée ».