Trois dirigeants qui sautent, une action qui s'effondre et une machine à rumeurs lancée à pleine vapeur: rien ne va plus chez le plus gros distributeur de films au pays.

Trois dirigeants qui sautent, une action qui s'effondre et une machine à rumeurs lancée à pleine vapeur: rien ne va plus chez le plus gros distributeur de films au pays.

Le titre de Movie Distribution Income Fund a chuté de 36 % depuis que le président du conseil, Victor Loewy, a claqué la porte le 19 juillet dernier. Sa démission suivait le départ du président et chef de la direction, Patrice Théroux, et de Paul Laberge, vice-président au développement. L'action a clôturé à 5,45 $ hier, à 56 % de son sommet des 40 derniers jours.

Movie Distribution Income Fund (MDIF) détient 49 % de Motion Picture Distribution, la division de distribution de films d'Alliance Atlantis. MDIF est aussi le plus gros distributeur au Québec par le biais de sa branche Vivafilm. L'action d'Alliance Atlantis a pour sa part chuté de 9 % depuis les évènements.

La direction n'a fourni aucune explication sur le départ des dirigeants, une situation qui crée une incertitude empêchant l'action de remonter, estiment les analystes.

Walter Spracklin, analyste chez RBC Marché des capitaux, explique que la distribution de films repose beaucoup sur les relations personnelles. " Avec le numéro un et le numéro deux qui partent, vous affectez à la fois les activités à court et à long terme ", croit-il.

Dans un rapport de gestion publié en novembre 2005, MDIF avait d'ailleurs admis sa dépendance envers MM Loewy et Théroux sous la rubrique " risques et incertitudes ". " Si l'un ou l'autre s'avérait non disponible, (MDIF) pourrait être incapable de leur trouver promptement des remplaçants possédant les mêmes qualités et les mêmes connaissances de l'industrie ", peut-on lire.

Déjà, on s'interroge sur le sort d'un contrat avec le producteur New Line, qui comporte une clause d'annulation advenant le départ de M. Loewy. Personne ne s'entend sur les probabilités que ce contrat soit annulé, un coup qui priverait MDIF de 15 % de ses revenus.

John Bailey, auparavant directeur indépendant, a été nommé chef de la direction par intérim chez MDIF.

Des rumeurs et encore des rumeurs

Alliance Atlantis utilise le terme " quitter l'entreprise " pour décrire le départ de Patrice Théroux, mais les journaux ontariens et plusieurs analystes n'hésitent pas à dire que Paul Laberge et lui ont été congédiés.

Les départs pourraient être reliés à la stratégie changeante d'Alliance Atlantis envers sa division de distribution. En 2003, Alliance s'est départie de 49 % de ses activités dans Motion Picture Distribution. Selon l'analyste Walter Spracklin, l'entreprise a ensuite annoncé qu'elle cherchait à vendre le reste, avant de finalement considérer la distribution comme une " activité stratégique ".

Selon une version véhiculée par le quotidien torontois The Globe and Mail et soutenue par certains analystes, ceux qui sont partis auraient trouvé des acheteurs pour les 51 % des actions d'Alliance dans Motion Picture Distribution sans en informer le conseil d'administration.

" La question naturelle est maintenant de savoir si MM Loewy et Théroux feront une offre publique d'achat pour MDIF. Ou formeront-ils un compétiteur dans l'espoir de sécuriser quelques-unes des ententes courantes de MDIF en renouvellement? Il y a des clauses de non compétition, mais pour l'instant les détails sont nébuleux ", écrit dans une note Carl Bayard, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.

Pour Annie Giroux-Dallaire, de l'entreprise de distribution québécoise Les Films Séville, Victor Loewy " a assez de contacts avec les distributeurs américains " pour obtenir " un gros catalogue et un gros pouvoir sur le marché ".

Les yeux se tournent maintenant vers Guy Gagnon, qui dirige Vivafilm, la branche québécoise de MDIF. " Si Victor Loewy décide de se partir une nouvelle compagnie, il y a de bonnes chances que Guy Gagnon et quelques autres partent avec lui ", croit Ben Mogil, analyste chez Westwind Partners. " Non, non, non ", réplique Annie Giroux-Dallaire, de Films Séville, pour qui le marché québécois, plus stimulant, convaincra M. Gagnon de rester.

Victor Loewy et Guy Gagnon ont été vus en grande conversation lundi soir lors du lancement du film Bon Cop Bad Cop, à la Place des Arts. Chez Alliance, on a expliqué que M. Loewy avait son carton d'invitation depuis longtemps et que le cofondateur d'Alliance était là en tant qu'" ami " des dirigeants et du cinéma québécois.

Lundi soir, parmi les représentants d'Alliance, on chuchotait que la compagnie cherchait surtout à " laisser retomber la poussière " sans croire aux rumeurs qui foisonnent.

Avec la collaboration de Mario Cloutier

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