Boston 5, Montréal 1. Il ne s'agit pas ici d'une contre-performance du Tricolore, mais du rapport du capital disponible pour financer le secteur des biotechnologies dans les métropoles rivales.

Boston 5, Montréal 1. Il ne s'agit pas ici d'une contre-performance du Tricolore, mais du rapport du capital disponible pour financer le secteur des biotechnologies dans les métropoles rivales.

Un tel résultat a l'habitude d'atterrer n'importe quel Montréalais. Et pourtant, dans ce cas-ci, il semble qu'il pourrait y avoir matière à se réjouir du succès de nos éternels rivaux.

Avec la plus grande concentration d'entreprises de biotechnologies aux États-Unis, le plus grand nombre de doctorants en biologie, chimie et génie chimique, Boston mérite bien son surnom de Genetown, la ville des gènes. Et l'engouement pour les biotechs n'est pas près de se terminer. L'année dernière au Massachusetts, les investissements en capital-risque (CR) dans ce secteur déjà fort de l'industrie ont grimpé de 43% pour atteindre à eux seuls 1,1 milliard de dollars américains.

Devant ces flots d'argent qui se déversent actuellement dans le CR, il existe un réel défi de trouver des idées et des compagnies qui sauront les faire fructifier, affirme Leonard Gold, spécialiste en CR au cabinet Burns & Levinson. "Aux États-Unis, les investisseurs entrent en concurrence pour financer les bonnes compagnies", explique l'avocat bostonien. Et ils sont prêts à aller très loin pour découvrir des occasions méconnues de leurs compétiteurs.

Depuis près de six ans, Leonard Gold fait la navette entre Boston et Montréal pour établir des liens entre le monde du CR américain et les petites biotechs émergentes au Québec. Son cabinet organise régulièrement des séances de rencontres express, où investisseurs et entrepreneurs se rencontrent en tête-à-tête pendant environ 45 minutes.

Et il y a eu quelques coups de foudre. En novembre 2006, par exemple, la compagnie Variation biotechnologies de Gatineau, spécialisée en "vaccins intelligents", a ainsi pu s'assurer un financement de 36 millions de la part de firme de CR bostonienne Clarus Ventures.

Avec des coûts de recherche, d'essais cliniques et d'emplois nettement plus faibles que ceux de Genetown (voir tableau), Montréal offre des conditions très avantageuses pour l'incubation et la maturation des biotechnologies. Pour ceux de nos voisins qui craindraient les taux d'imposition prohibitifs en vigueur au pays, de généreux crédits d'impôt ont fait de la province un des plus grands paradis fiscaux biotechnologiques de la planète. Mais les forces de la métropole québécoise ne pèsent pas toujours autant qu'elles le devraient dans la balance face aux conditions d'investissement.

"La réputation du Québec à l'extérieur, c'est que l'État décide de tout en matière d'investissement. Ça horripile les Américains au plus haut point", explique Perry Niro, directeur général de BioQuébec. Depuis déjà une décennie, le Québec s'est fait connaître mondialement pour ses organismes publics, comme Innovatech, qui offrent un précieux soutien aux entreprises en démarrage. En revanche, ceux-ci imposent aussi de nombreuses restrictions aux investisseurs, telles des closes de non déménagement à l'extérieur du pays ou des programmes pour stimuler le développement régional. Malgré ses objectifs vertueux, ce double mandat, à la fois économique et social, a eu pour effet de dissuader les investisseurs étrangers qui cherchent avant tout à maximiser leurs profits.

Pour pallier ce problème d'image, la solution radicale du gouvernement Charest a été d'éliminer toute ingérence publique dans le CR. Depuis 2004, la Caisse de dépôt et de placement du Québec, la Société Générale de Financement ont tour à tour abandonné leurs activités de CR publique pour favoriser la création de fonds privés. On s'est aussi défait d'Innovatech Montréal, non sans laisser un trou dans les options de financement des jeunes entreprises en démarrage, note Perry Niro.

Ces mesures draconiennes ont tout de même atteint l'objectif fixé. En 2006, l'investissement étranger en CR au Québec est passé à 185 millions, une augmentation de 63% par rapport à l'année précédente. "Ces dernières années, nous avons remarqué une ouverture nettement plus grande des investisseurs en CR américains", dit Leonard Gold.

Un engouement qui est là pour durer. "Les investisseurs en CR aiment fonder des compagnies dans leur cour arrière afin de pouvoir y jeter un oeil régulièrement", poursuit l'avocat. À moins d'une heure de vol de Boston et avec ses coûts d'opération extrêmement avantageux, Montréal pourrait un jour passer devant la Californie comme destination affaire numéro un des investisseurs bostoniens dans le secteur des biotechnologies.