L'économie québécoise aura la moins bonne performance de toutes les provinces l'an prochain avec une expansion d'au plus 2 %, même si le dollar canadien devait faiblir.

L'économie québécoise aura la moins bonne performance de toutes les provinces l'an prochain avec une expansion d'au plus 2 %, même si le dollar canadien devait faiblir.

Cette funeste prévision de Carlos Leitao, économiste en chef et stratège chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, repose sur un scénario plus rose que ceux de ses collègues d'institutions concurrentes quant à l'expansion américaine. M. Leitao voit la croissance chez l'Oncle Sam à 3,5 % cette année. L'an prochain, il l'évalue à 2,8 %, soit autant alors que la canadienne.

Hier, la croissance américaine au deuxième trimestre a été révisée à la baisse, passant de 2,9 % à 2,6 %.

" Je fais partie des optimistes, même si ça devient de plus en plus difficile, ironisait M. Leitao, invité hier au Cercle de la finance internationale de Montréal (CFIM). Et à 2 % pour le Québec, je fais partie des plus optimistes. "

Mercredi, l'Institut de la statistique du Québec calculait que la croissance annualisée de la province avait été de tout juste de 1,7 % de janvier à juin. Sur ces données, Desjardins décline un scénario d'à peine 1 % de croissance l'an prochain.

La Réserve fédérale américaine éprouvera des difficultés à abaisser son taux directeur avant le printemps, ce qui devrait tonifier le billet vert, évalue M. Leitao. En conséquence, le dollar canadien faiblira quelque peu par rapport à sa fourchette d'échange des derniers mois, donnant un certain répit aux exportateurs. En revanche, le ralentissement américain sera assez prononcé pour freiner la demande de produits manufacturés canadiens, ce qui fera mal au Québec.

Il évalue la possibilité d'une récession aux États-Unis à au plus 25 %. Beaucoup d'économistes surestiment à ses yeux l'ampleur de la correction du marché de l'habitation. " On assiste plutôt à un retour à la normale. " Les données sur les ventes de maisons neuves du mois d'août publiées cette semaine ont surpris, la hausse étant plus importante que prévu, même si on reste loin des sommets de l'an dernier.

Comme le veut la formule des déjeuners du CFIM, les thèses de M. Leitao étaient confrontées amicalement à celles d'un autre expert.

François Barrière, vice-président développement des affaires, marché des devises et services internationaux, à la Banque Laurentienne, conteste l'évaluation du dollar américain faite par son économiste en chef, ce qui est assez fréquent dans les institutions financières. La détérioration continuelle du compte courant américain devra affaiblir le billet vert, estime-t-il plutôt. " Le compte courant est le meilleur outil pour évaluer la force ou la faiblesse d'une devise à long terme. Il reprend l'ensemble des entrées et des sorties de fonds. " Or, le compte courant canadien s'est redressé alors que celui des États-Unis n'en finit plus de se dégrader avec l'accumulation d'embûches: explosion de la techno-bulle en 2000 suivie d'une récession et des attentats du 11 septembre 2001. Puis c'est l'envol de l'économie chinoise, la flambée des prix des produits de base, l'invasion de l'Irak... Bref, le déficit du compte courant frôle désormais les 900 milliards US.

Pour le résorber, il faut que le billet vert casse, ou l'économie. Prudent, M. Barrière penche pour un peu des deux.

Il reste plutôt insensible aux doléances des manufacturiers. " Dans la presse étrangère, le Canada est cité en exemple, plaide-t-il. Lui seul jouit à la fois d'une bonne croissance, d'un faible ratio de la dette sur le PIB (45 %, comparativement à 65 % pour les États-Unis), d'un surplus de son compte courant, de sa balance commerciale et des budgets de l'État. En outre, son bilan énergétique est positif. "

Il voit donc le huard s'échanger entre 90 et 97 cents US l'an prochain avant d'atteindre la parité en 2008.

En pareil cas, l'économie du Québec n'a pas fini de pâtir.

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