Après des années de représentations auprès du gouvernement du Québec, les pharmaceutiques vont pouvoir, discrètement, crier victoire.

Après des années de représentations auprès du gouvernement du Québec, les pharmaceutiques vont pouvoir, discrètement, crier victoire.

Gelés depuis 1994, les prix des médicaments reconnus par le régime public d'assurance vont pouvoir augmenter à compter d'avril, une revendication insistante des multinationales.

Québec annoncera d'ici un mois un accord de trois ans avec les pharmaceutiques. Les médicaments inscrits sur la liste de la Régie d'assurance maladie du Québec pourront être majorés au niveau de l'inflation, une hausse qui sera couverte par le régime d'assurance publique qui couvre 3,2 millions de Québécois.

Rien n'empêchera toutefois le manufacturier de monter ses prix au-delà de l'inflation; ce sera alors au consommateur même s'il est assuré par le régime gouvernemental de régler la note.

Selon les informations obtenues auprès de l'industrie et de l'administration publique, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, va annoncer en février sa nouvelle «politique du médicament» après une consultation marathon qui s'est étendue sur plusieurs mois en 2006.

Mais la politique s'est aussi préparée dans les officines du ministère du Développement économique. Québec a développé «un partenariat avec l'industrie pharmaceutique» affirme-t-on en haut lieu.

Le gouvernement a accepté l'argumentaire de l'industrie et, bien qu'il soit impossible à chiffrer précisément, Québec inclut même l'impact fiscal des recettes majorées des compagnies comme retombées positives de sa politique.

Cette politique n'a pas encore pris le chemin des comités ministériels, le passage obligé avant une présentation au Conseil des ministres. Cela compliquera le travail des limiers mandatés cette semaine par les conseillers de Jean Charest pour tenter d'identifier la source de nombreuses fuites récentes.

Seul filet de sécurité pour les 3,2 millions d'assurés au régime public d'assurance, le gouvernement se réserve le droit de révoquer l'entente avant son échéance de trois ans, si le comportement des compagnies fait dérailler les prix.

Mais même au sein des pharmaceutiques, on convient sous le couvert de l'anonymat qu'après 12 ans de disette, «l'appétit sera fort» dans l'industrie. D'autant plus que les filiales canadiennes de multinationales sont constamment pressées par leurs maisons mères pour hausser leurs prix... et vite.

Les médicaments coûtent 40 % de plus aux États-Unis, et des sociétés publiques américaines songent désormais à s'approvisionner au Canada. Le Québec a toujours eu comme politique de payer le prix le plus bas il n'inscrit pas sur la liste un médicament s'il est vendu moins cher ailleurs au Canada, une stratégie qui tend à maintenir à la baisse les prix partout au pays.

Pour 2007, par exemple, le taux d'inflation prévu est de 2,07 %. Québec augmentera d'autant sa couverture mais si le prix d'un médicament montait plus vite, l'assuré devra couvrir la différence.

Actuellement, un assuré du régime public d'assurance ne peut payer plus que 950 $ par année pour ses médicaments. Par exemple, si sa facture de pharmacie est de 100 $ par mois ou 1200 $ par année, le gouvernement assume 250 $. Québec couvrira les hausses jusqu'à l'inflation, 2 % par exemple, mais si le médicament prescrit augmentait de 10 %, l'assuré se retrouverait avec une facture de près de 100 $ de plus par année.

Avec la nouvelle stratégie, le plafond de contribution deviendra bien théorique car l'assuré devra payer les hausses qui dépassent l'inflation.

Jusqu'ici des hausses exceptionnelles avaient été acceptées par Québec, mais le gouvernement conservait le droit d'expulser de la liste des médicaments reconnus les produits haussés, sans avoir eu le feu vert du Conseil du médicament et du gouvernement.

En dépit du gel des prix, la facture globale de médicaments payée par Québec a constamment augmenté jusqu'à 15 % par année, à cause des nouvelles molécules et du vieillissement de la population. Le régime d'assurance publique payait 1,1 milliard pour des pilules en 1997, lors de sa création. La facture était passée à 2,6 milliards en 2004.