Le bruit entendu hier dans la forêt québécoise, celui de quatre grosses scieries fermant leurs portes, retentira encore dans les prochains mois, prévient le Conseil de l'industrie forestière du Québec.

Le bruit entendu hier dans la forêt québécoise, celui de quatre grosses scieries fermant leurs portes, retentira encore dans les prochains mois, prévient le Conseil de l'industrie forestière du Québec.

"C'est évident qu'entre 10 et 12 autres scieries vont fermer dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Plusieurs facteurs se conjuguent pour faire une conjoncture très mauvaise, une tempête parfaite, comme on dit en anglais ", a dit hier l'économiste et ingénieur forestier Michel Vincent, qui étudie le secteur forestier pour le CIFQ.

Abitibi-Consolidated a annoncé hier qu'elle ampute 20 % de sa capacité de sciage en fermant indéfiniment quatre de ses scieries: Champneuf (Abitibi-Témiscamingue), Saint-Raymond (Portneuf), Saint-Thomas (Saguenay-Lac-Saint-Jean) et Outardes (Côte-Nord). Près de 400 travailleurs en usine et environ 300 bûcherons vont perdre leur emploi à partir de lundi prochain.

Outardes est la plus importante scierie québécoise, en terme d'approvisionnement, avec 225 millions de " pieds mesure de planche " (PMP), l'unité de volume de l'industrie forestière nord-américaine. C'est quatre fois la moyenne des scieries du Québec (60 millions de PMP).

L'annonce d'hier suit celles faites récemment par Tembec (trois grosses scieries en Abitibi), par Cascades (la scierie PH Lemay, au Lac Saint-Jean) et par Cédrico (deux scieries en Gaspésie).

"Le coût élevé de production, incluant celui de la fibre, combiné à la détérioration des conditions du marché du bois d'oeuvre, ne nous laisse aucune autre alternative que de rationaliser notre capacité de production ", a indiqué par communiqué Yves Laflamme, premier vice-président d'Abitibi Consolidated.

Abitibi Consolidated ajoute que "la date de redémarrage des opérations sera déterminée entre autres par la combinaison de la réduction des coûts et par l'augmentation des prix pour les produits du bois."

Et cela, estime le CIFQ, n'est pas près d'arriver.

"À l'été 2004, dans le haut du cycle économique, le prix de référence du madrier "2 X 4" était de 550 $US/1000 PMP, a dit l'économiste Vincent. Ce prix avait chuté à 450 $US à l'été 2005 et il tourne autour de 325 $US ces jours-ci (330 $US hier après-midi), ce qui se traduit par le pire prix, en dollars canadiens, de notre histoire, soit 364 $ canadiens. "

Le prix avait déjà baissé à 270$US il y a quelques années, mais le dollar canadien était beaucoup moins élevé face au billet vert, ce que se traduisait par un prix relativement décent de 432 $ canadiens, explique Vincent.

La hausse du huard conspire aussi avec l'essoufflement du marché de la construction domiciliaire américain, observé récemment. Les hausses de taux depuis deux ans aux États-Unis (3,5 points de pourcentage) et l'essoufflement de l'économie ont crevé la bulle immobilière. La demande totale de bois d'oeuvre dans ce pays, de 62 milliards de PMP en 2004, devrait tomber à 57 milliards de PMP cette année.

De plus, au Québec, ce n'est que cette année qu'on senti l'effet de la réduction de 20 % des coupes décrétées au printemps 2005 par le gouvernement de Québec, pour freiner la coupe excessive de la forêt.

Mais surtout, le marché actuel est "rendu un peu fou" par le flottement qui précède l'entrée en vigueur, demain, de l'entente sur le bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis.

Depuis quelques mois, les conditions actuelles "sont l'équivalent du libre échange" et incitent les scieurs de la Colombie-Britannique à " pomper tout le bois qu'ils peuvent " vers les États-Unis, avant l'entrée d'une taxe qui frappera les producteurs de l'Ouest d'une taxe de 22,5 %.

Selon M, Vincent, l'entrée en vigueur de l'entente devrait, à moyen terme, hausser les prix d'environ 15 %, "mais pas avant que les inventaires titanesques soient absorbés par le marché. Et personne ne sait exactement combien de temps ça prendra. On parle de plusieurs mois."

"En attendant, on sait que 2007 va être très difficile pour nos membres ", dit M. Vincent.

En 2004, entre 40 000 et 42 000 personnes travaillaient dans les scieries et les forêts du Québec. Plus de 9000 de ces emplois ont disparu et près du tiers des scieries québécoises (110 sur environ 250) sont fermées.

Réaction du ministre Corbeil

Commentant l'annonce d'hier, en marge du caucus pré-sessionnel des libéraux à l'Île Charron, le ministre des Ressources naturelles, Pierre Corbeil a souligné qu'il n'y avait pas de remède rapide aux problèmes actuellement vécus par les scieries.

"Il y a plus de 500 000 maisons construites aux États-Unis, qui sont présentement invendues. Il va falloir un peu de temps, attendre que le marché de la construction domiciliaire reprenne" de souligner le ministre d'Abitibi.

Le gouvernement "travaille pour bonifier ce qui fonctionne, dira M. Corbeil. Les fermetures seront le plus courtes possibles on espère. On travaille à la rationalisation. Mais la capacité de transformer du bois au Québec était utilisée à 63 %. Il est clair qu'il va falloir réduire le nombre d'installation, et réduire les coûts pour être plus compétitifs".

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