Condamné à deux mois de prison pour outrage au tribunal, le créateur du Plexcoin, cette monnaie virtuelle québécoise qui est dans la mire de l'Autorité des marchés financiers et de Securities and Exchange Commission, a pris le chemin des cellules cet après-midi.

Selon nos informations, Dominic Lacroix, visé par un mandat d'arrestation, s'est livré lui-même au Centre de détention de Québec en après-midi.

M. Lacroix a été condamné à deux mois de prison et 10 000$ d'amende pour avoir fait fi d'une ordonnance du Tribunal administratif de l'Autorité financière qui lui interdisait de commercialiser le Plexcoin. 

Son entreprise, DL Innov, écope pour sa part de 100 000$ d'amende. 

Le Plexcoin est une cryptomonnaie mise sur pied cet été par Lacroix, un homme d'affaires de Québec qui a déjà écopé d'une amende de 25 000$, en 2013, après que l'AMF eut sévi pour prêt illégal d'argent contre une entreprise de microprêts qu'il avait créée.

Cet été, l'entreprise de Lacroix avait réussi à convaincre quelque 80 000 clients d'investir dans le Plexcoin, selon des documents de cour. L'AMF, flairant plusieurs irrégularités, a ordonné l'arrêt de sa vente. 

Refusant d'obtempérer, il a été reconnu coupable d'outrage au tribunal ce matin, mais le dossier de fond pour lequel l'AMF a perquisitionné l'entreprise de M. Lacroix en juillet se poursuit. «Nous sommes toujours en train d'examiner les documents qui ont été saisis. L'enquête se poursuit», indique le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, qui souligne qu'aucune accusation n'a été déposée jusqu'ici en lien avec les saisies.. 

Des ordonnances interdisant à Lacroix et ses entreprises de promouvoir et commercialiser le Plexcoin «sont toujours actives», précise le porte-parole. 

Plusieurs de investisseurs qui ont acheté des Plexcoins continuent à ce jour de le transiger sur le marché des cryptomonnaies, malgré de nombreux avertissements de l'AMF et de la SEC, qui affirment qu'elle est frauduleuse. Une procureur de l'AMF a affirmé devant la cour que 7 à 8 millions de dollars d'investissement sont introuvables dans les comptes liés au Plexcoin. Son cours oscillait autour de 0,03$US ce matin, en nette baisse depuis que la SEC a ordonné un gel urgent des actifs de Lacroix et de ses entreprises.

Mais dans l'univers des cryptomonnaies, où la méfiance envers les autorités fait partie de la culture, de nombreux investisseurs croient que ce sont plutôt l'AMF et la SEC qui sont responsables de la baisse de valeur du Plexcoin. Plusieurs, comme Yves Paradis, de Saint-Angèle, continuent même d'investir dans cette cryptomonnaie malgré l'intervention de l'AMF et de la SEC. M. Paradis refuse de dire combien il a investi à ce jour : «On a déjà assez de misère avec l'Autorité des marchés financiers qui se prend pour une police. On est loin d'être des enfants. On est capable de décider par nous-mêmes», a-t-il commenté dans un échange sur Facebook.

Pour s'y retrouver

Les cryptomonnaies sont des devises électroniques échangeables via internet, d'un appareil branché à un autre. L'échange se fait de pair à pair, sans intervention d'un tiers (comme une banque), mais les transactions sont vérifiées par un vaste réseau décentralisé d'ordinateurs qui s'assurent de l'intégrité des transactions par consensus. On en trouve des dizaines en circulation : bitcoin, ether, Litecoin, Dash, Dogecoin, etc. Elles sont généralement lancées lors d'Initial Coin Offerings (ICO), semblables aux premiers appels publics à l'épargne en Bourse. Les ICO ne sont cependant pas régulées et échappent au contrôle des régulateurs traditionnels. Certaines cryptomonnaies, comme le bitcoin, ont récolté depuis leur création des milliards de dollars en capitalisation (200 milliards US dans le cas du bitcoin). D'autres cryptomonnaies ont à peine quelques dizaines de milliers de dollars de capitalisation, et leur cours, semblable à celui des «penny stocks» à la Bourse, est extrêmement volatil. Les gens qui les possèdent peuvent les échanger contre d'autres cryptomonnaies ou contre de l'argent comptant sur des sites d'échange spécialisés.