Dans un plaidoyer déposé vendredi dans le cadre de la cause antidumping qui l'oppose à Boeing, Bombardier accuse le département américain du Commerce de plusieurs irrégularités dans la façon dont il a mené son enquête.

Le document d'une soixantaine de pages, déposé en vue de la conclusion de l'enquête du département du Commerce (DoC), étale les arguments finaux de l'entreprise québécoise pour faire rejeter la plainte déposée à l'origine par Boeing.

Ces arguments sont pour la plupart déjà connus. Au premier chef, Bombardier fait valoir que l'entente signée avec Delta en vue de l'achat « ferme » de 75 avions CS 100 de la C Series ne constitue pas une « vente » parce qu'il est fréquent, dans le domaine de l'aéronautique, que les conditions de telles ententes, notamment le prix ou la quantité, soient modifiées par la suite, avant la livraison des appareils.

Selon Bombardier, il serait plus approprié pour le DoC d'attendre qu'un premier avion soit effectivement livré à Delta, ce qui permettrait de baser l'évaluation des coûts de l'appareil sur de vraies données. Le préjudice pour Boeing serait nul, fait-elle valoir, puisqu'il serait toujours possible, le cas échéant, d'imposer des droits aux 74 autres avions à devoir passer la frontière.

Bombardier fait aussi valoir que ses produits ne sont pas couverts par le champ d'enquête déterminé par le DoC, celui des avions « de 100 à 150 places » avec une portée minimale de 2900 miles nautiques, parce que les appareils livrés à Delta n'auront en pratique pas cette portée. Elle soulève aussi l'impossibilité pour les douaniers américains de vérifier ce critère lors de l'importation.

IRRÉGULARITÉS

Mais ce sont surtout diverses irrégularités mises de l'avant par Bombardier qui retiennent l'attention.

Elle relève, par exemple, un événement survenu en juillet. Bombardier avait jusqu'au 10 juillet pour fournir des réponses à un questionnaire du DoC. Or, elle avait besoin de précisions sur certaines de ces questions pour bien y répondre et multipliait les efforts pour obtenir ces précisions.

Selon Bombardier, ces précisions ont finalement été rendues disponibles à peine 13 minutes avant l'échéancier. Pis, elles étaient officiellement datées du 7 juillet - avant la soumission de Bombardier -, même si le système informatique démontrait qu'elles avaient été déposées le 10 juillet.

Bombardier s'insurge aussi contre le fait de s'être vu refuser le droit d'ajouter au dossier antidumping des faits emmenés par Boeing elle-même au dossier sur les droits compensatoires, qui est mené en parallèle, sous prétexte qu'il n'était plus possible à ce moment-là de soumettre des faits « nouveaux ».

Le rejet de cette requête était « particulièrement choquant », écrivent les avocats de Bombardier, compte tenu du fait que le département du Commerce a lui-même ajouté de nouveaux éléments factuels au dossier par après.

Bombardier reproche aussi au DoC de lui avoir refusé le droit d'intervenir avec lui avant l'ouverture du dossier, alors qu'il communiquait « de façon répétée » avec Boeing.

DELTA

Le client de Bombardier dans ce dossier, Delta, a lui aussi déposé sa plaidoirie. Il y reproche entre autres au DoC d'avoir accepté tel quel le critère de 100 à 150 places demandé par Boeing, même si celle-ci ne fabrique aucun avion de 100 à 110 places, la capacité des CS 100 qu'il a commandés de Bombardier.

« Le Département écrit qu'il est "clair que Boeing a l'intention d'inclure les avions CS 100 dans le champ d'enquête". Bien qu'il puisse être clair que Boeing avait cette intention, ce n'est pas déterminant. Un plaignant pourrait aussi avoir l'intention d'inclure des voitures compactes dans une plainte sur les VUS. L'intention d'un plaignant d'inclure un produit qu'il ne fabrique pas ne devrait pas prévaloir sur l'obligation du Département de déterminer le champ d'enquête. Il est bien établi que le Département a l'autorité de "réduire le champ" proposé. »