La Cour suprême du Canada tranchera un litige qui oppose Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited (CFLCo) à Hydro-Québec.

Le plus haut tribunal du pays a annoncé, jeudi matin, qu'il se penchera sur une cause que la société terre-neuvienne avait perdue en Cour supérieure, puis en Cour d'appel du Québec.

CFLCo veut revoir un contrat signé en 1969 et qui établissait, jusqu'en 2034, le prix de l'électricité produite par une centrale hydroélectrique qui allait être construite sur le fleuve Churchill au Labrador.

En 2010, CFLCo s'est adressée aux tribunaux pour se plaindre que la valeur actuelle de l'électricité était imprévisible en 1969 et que le contrat signé, donc, est injuste.

Les arguments n'ont pas convaincu la Cour supérieure du Québec ni la Cour d'appel qui, en août 2016, donnait encore raison à Hydro-Québec.

Cette querelle sera maintenant jugée par la Cour suprême du Canada qui ne donne jamais de raison pour expliquer ses décisions d'entendre ou non un appel.

Chez Hydro-Québec, on a offert une réaction très prudente à ce dernier développement.

«Hydro-Québec regrette que l'énergie des parties soit encore aujourd'hui consacrée à des litiges plutôt qu'à explorer des voies plus constructives. On a confiance dans le bien-fondé des positions qu'on a défendues et qu'on défend toujours pour le respect du contrat de 1969», a déclaré Serge Abergel, chef des relations avec les médias, dans une entrevue téléphonique.

«On note que les tribunaux, jusqu'à présent, nous ont toujours donné raison», a-t-il cependant tenu à souligner.

Dans ce dossier, devant les tribunaux inférieurs, Hydro-Québec a plaidé que le contrat était valide étant donné qu'elle avait assumé tous les coûts et les risques associés au projet au moment de la signature de ce contrat.

Nalcor Energy, la compagnie d'électricité terre-neuvienne dont CFLCo dépend, estimait plutôt que le contexte initial du contrat a été rompu par des «événements imprévisibles» ayant transformé le marché de l'énergie.

Dans le jugement de l'été dernier, les cinq juges de la Cour d'appel ont écrit que Nalcor Energy tente de «redéfinir l'équilibre initial» conclu entre les parties.

«La preuve non contredite a établi que les parties savaient que la valeur de l'énergie hydroélectrique était susceptible de fluctuer et qu'elles ont volontairement convenu de prix fixes pour l'énergie», peut-on lire dans la décision de 61 pages.

La Cour d'appel a estimé que le principe général de «bonne foi» du Code civil n'est «d'aucun secours» à Churchill Falls, précisant que le contrat demeurait «rentable» pour la province.

En 2010, Terre-Neuve-et-Labrador estimait que cette entente lui avait permis d'empocher seulement 1 milliard $, comparativement à 22 milliards $ pour le Québec.

Réactions à Terre-Neuve-et-Labrador

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a bien accueilli la décision de la Cour suprême du Canada de se pencher sur ce dossier.

«Nous pourrions en tirer un bénéfice financier énorme», a dit la ministre des Ressources naturelles de la province, Siobhan Coady, en imaginant une éventuelle victoire.

La dégringolade du prix du pétrole a fait mal à la province qui voit ses déficits budgétaires s'accumuler d'année en année et sa dette exploser.

L'ancien politicien Tom Marshall, qui était ministre de la Justice de la province en 2010, dit que les gens de sa province ne recherchent que «l'équité».

«Nous ne demandons pas que le contrat soit annulé», a-t-il dit en entrevue à La Presse canadienne.

«Nous demandons au tribunal d'ordonner à Hydro-Québec de renégocier le contrat avec nous et, s'ils refusent, que le tribunal lui-même établisse un nouveau contrat», a-t-il expliqué.

Et ce n'est pas le seul litige

La querelle entre les deux compagnies d'électricité - et, par extension, entre les deux provinces - ne donne aucun signe d'essoufflement.

En plus de cette cause qui sera entendue par la Cour suprême du Canada dans les prochains mois, une autre cause doit occuper sous peu la Cour d'appel du Québec.

Au mois d'août 2016, la Cour supérieure du Québec a jugé qu'Hydro-Québec a le droit d'acheter la quasi-totalité de l'électricité de la centrale terre-neuvienne de Churchill Falls jusqu'en 2041 sans se faire imposer de plafond.

Et à l'exception de deux blocs de 300 et 225 mégawatts, CFLCo ne peut vendre l'électricité produite à cette centrale à des tierces parties. La compagnie terre-neuvienne a porté ce jugement en appel.

Le contrat de 1969 aura donc conduit à une «quinzaine de démarches judiciaires», selon les calculs d'Hydro-Québec. «Les initiatives devant les tribunaux se sont toutes soldées par un échec pour la partie adverse», a insisté, une fois de plus, M. Abergel.