Des comptes en Suisse et des sociétés incorporées à l'étranger, notamment aux îles Vierges britanniques, auraient été utilisés pour commettre des délits d'initié afin d'aider les frères David et Josh Baazov à s'enrichir, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Le gendarme boursier québécois soutient même avoir récemment obtenu une preuve « plus directe » montrant que l'ex-PDG d'Amaya, David Baazov, a touché une ristourne qui s'élèverait jusqu'à 20 % des gains nets réalisés par les membres de son entourage bénéficiant de ses tuyaux.

David Baazov est accusé de délits d'initié en lien avec l'acquisition de PokerStars par l'entreprise montréalaise Amaya, il y a trois ans. Il est aussi soupçonné d'être la source d'un « coulage majeur d'informations privilégiées » ayant mené à une série de délits d'initié depuis 2010 en lien avec des projets d'acquisitions en préparation dans le secteur. Son procès, prévu en novembre, sera le plus important du genre jamais vu au Québec, voire au pays.

QUATRE NOUVELLES ALLÉGATIONS

1. Un nouveau document déposé en cour - et obtenu par La Presse - révèle que l'AMF a découvert que des actions d'une valeur globale de près de 1 million de dollars de l'entreprise WMS Industries auraient été achetées le 30 janvier 2013 via un compte en Suisse par la société Optivilla Holdings, dont le bénéficiaire est Josh Baazov. Cette transaction aurait été effectuée la veille de l'acquisition de WMS par Scientific Games.

L'AMF soutient n'avoir obtenu qu'en novembre dernier la confirmation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent de la Confédération suisse (MROS) qu'Optivilla, incorporée aux îles Vierges britanniques, a effectué la transaction sur le titre de WMS.

2. Josh Baazov et son partenaire d'affaires Craig Levett auraient effectué des opérations à partir de ce compte en Suisse pour faire des transactions d'achat et de vente de titres de WMS, mais aussi sur les titres de Bwin.party (acquisition projetée par Amaya à l'automne 2014) et d'Intertain Group (qui a acheté Gamesys en février 2015).

3. Le mois dernier, le MROS a informé l'AMF qu'Optivilla avait transféré en janvier le solde du compte de 2,4 millions US de la Banque UBP (Union Bancaire Privée) vers un compte à la Banque Edmond de Rothschild, à Genève. L'AMF ne connaît pas encore le titulaire de ce compte, qui aurait un solde de 4,4 millions US.

4. Josh Baazov et Craig Levett auraient également contrôlé un compte à la banque Hyposwiss Privatbank, de Genève, qui aurait permis de faire des transactions sur le titre d'Amaya (tout juste avant l'acquisition de Chartwell par Amaya en 2011).

Aucune des allégations n'a encore été prouvée en cour.

RISTOURNE

Une analyse récente du contenu de la boîte de messagerie de David Baazov a, par ailleurs, permis aux enquêteurs de découvrir un courriel daté du 26 février 2013 qui indiquait « FYI... private and personal ».

La pièce jointe réfère, selon les enquêteurs, à une comptabilité de ristournes qui fait état d'une distribution des profits nets réalisés suivant la transmission et l'utilisation d'informations privilégiées à certains individus.

David Baazov aurait ainsi bénéficié d'une ristourne de 20 %, soit environ 92 587 $, pour les transactions sur WMS, selon le fichier Excel annexé au courriel.

À ce stade-ci, l'AMF ne peut toutefois affirmer si les 20 % s'appliquent à l'ensemble des transactions ou à tous les membres de l'entourage des Baazov visés par l'enquête.

L'AMF avait précédemment révélé avoir découvert l'existence d'une ristourne de 10 % pour ceux qui transmettaient les tuyaux. Toujours selon l'AMF, les ristournes avaient pris différentes formes au fil du temps, comme de l'argent comptant, des chèques ou des objets de luxe (montre Rolex).

Âgé de 36 ans, David Baazov est accusé d'avoir violé les lois québécoises sur les valeurs mobilières, y compris d'avoir conclu des opérations d'initié, d'avoir communiqué de l'information privilégiée et d'avoir manipulé le marché.

Les messages laissés par La Presse à Josh Baazov ainsi qu'à Craig Levett sont demeurés sans réponse.

DAVID BAAZOV RÉPLIQUE

Appelé a commenter les dernières allégations à son endroit, David Baazov, par l'entremise de son nouveau porte-parole Adam Sharon, a notamment comparé les prétentions de l'AMF a des suppositions et des impressions. « Une tendance pour le moins troublante est observée à l'effet que certains faits ou documents qui n'appuient pas la position de l'AMF sont retenus ou mal interprétés par l'AMF pour des raisons stratégiques. David Baazov a déja fait savoir qu'il n'a pas reçu d'argent, cadeaux ou autres choses en lien avec des transactions. L'AMF devrait le reconnaître et a le devoir de présenter la situation de façon complète et fidèle a la réalité. Elle ne peut faire fi de ses obligations. David Baazov a travaillé fort depuis le début de sa carrière, obtenu du succès et prouvé son intégrité. Les propos fallacieux de l'AMF ne l'empêcheront pas de réaliser ses projets futurs. »