La justice sud-coréenne s'est opposée mercredi à l'arrestation de l'héritier de l'empire Samsung, Lee Jae-Yong, pour des soupçons de corruption, dans un vaste scandale qui a entraîné la destitution de la présidente du pays.

L'équipe spéciale d'enquêteurs chargée de ce scandale avait annoncé lundi qu'elle cherchait à obtenir un mandat d'arrêt contre M. Lee, soupçonné de corruption, d'abus de biens sociaux et de parjure.

Mais le tribunal du district central de Séoul a estimé que les preuves n'étaient pas assez solides pour procéder à l'arrestation de Lee Jae-Yong, patron de facto du premier conglomérat du pays, qui pèse 20% du Produit intérieur brut.

«Il est difficile d'accepter les raisons, les nécessités et la justification» pour émettre un tel mandat, explique la cour dans un communiqué publié par les enquêteurs.

La décision est intervenue après une audition de quatre heures de Lee Jae-Yong, 48 ans, plus tôt dans la journée.

Le groupe Samsung, le premier fabricant mondial de smartphones, est le premier exportateur de Corée du Sud.

Le scandale a pour figure centrale la confidente de l'ombre de l'ex-présidente Park, Choi Soon-Sil, accusée d'avoir utilisé son emprise sur elle pour contraindre les grands groupes industriels du pays à «donner» près de 70 millions de dollars à des fondations douteuses.

Samsung est celui qui s'est montré le plus généreux envers les fondations de Mme Choi. Il a également versé à l'amie de 40 ans de la présidente des millions d'euros, sous couvert de financer en Allemagne les entraînements sportifs de cavaliers sud-coréens, parmi lesquels la fille de Mme Choi.

Au total, Samsung aurait mis la main à la poche pour 43 milliards de wons (34,2 millions d'euros).

Octroi de faveurs?

La semaine dernière, M. Lee avait subi 22 heures d'interrogatoire. Il dément avoir commis une quelconque irrégularité.

«L'élément clé est de savoir si des faveurs ont été accordées. Nous avons exprimé notre position très clairement», a déclaré son avocat à la presse au sortir de l'audience.

Les enquêteurs cherchent en particulier à savoir si les versements effectués par Samsung ont servi à acheter le feu vert du gouvernement à une fusion controversée entre deux de ses entités en 2015.

L'opération entre Cheil Industries et Samsung C&T était vue comme une étape cruciale pour une transition en douceur au sommet du groupe. Elle avait été dénoncée avec force par certains actionnaires qui estimaient que C&T avait été délibérément sous-évaluée. Mais la Caisse nationale de retraites, gros actionnaire de Samsung sous tutelle du ministère des Affaires sociales, avait soutenu la fusion qui était devenue réalité.

M. Lee, petit-fils du fondateur du groupe, est le dirigeant de facto de Samsung depuis la crise cardiaque de son père, Lee Kung-Hee, en 2014.

Si le tribunal avait donné raison aux enquêteurs, il se serait agi de la première arrestation d'un capitaine d'industrie sud-coréen dans le cadre de ce scandale qui dure depuis des mois.

Une décision qui aurait porté un coup à l'image de marque du groupe déjà été considérablement ternie par la débâcle du Galaxy Note 7 aux batteries explosives.

Le rejet de la demande d'arrestation risque par ailleurs de remettre en question le projet des enquêteurs d'entendre au plus tard début février l'ex-présidente Park Geun-Hye - destituée par le parlement le mois dernier - sur des accusations de corruption.

Il compromet aussi leur volonté d'étendre les investigations à plusieurs autres compagnies ayant «donné» des millions de dollars aux fondations de Choi, a rapporté l'agence de presse Yonhap.

Mme Park est accusée de complicité avec Mme Choi. Sa destitution doit encore être validée par la Cour constitutionnelle, mais tous ses pouvoirs ont été transmis au premier ministre.

Si sa destitution devient définitive, une élection présidentielle sera organisée sous 60 jours. Mme Park perdrait immédiatement l'immunité qui la protège contre toute poursuite pénale.