Le tribunal maintient en vigueur les avis de cotisation du fisc à l'encontre de John Sklivas, l'une des têtes dirigeantes du réseau de restaurants La Belle Province et véritable patron de la succursale de la chaîne de hot-dogs située au marché Central, à Montréal.

L'Agence lui réclame en impôt, intérêts et pénalités la somme de 291 800 $. Le jugement est tombé à la fin du mois de juin.

La chaîne de restauration rapide est depuis longtemps dans la ligne de mire du fisc, qui l'accuse de minimiser le montant déclaré de ses recettes dans le but d'éviter de remettre les taxes de vente au gouvernement.

Pour une période de quatre ans, de 2005 à 2008, l'établissement du marché Central a déclaré des ventes de 1,6 million seulement. Une enquête du fisc a établi que les ventes totales se chiffraient plutôt à 4,8 millions, soit un écart de 3,2 millions.

TRANSACTIONS EN ESPÈCES

Les billets de banque circulent facilement à La Belle Province. Les clients n'ont pas le choix de payer comptant et le restaurant paie ses principaux fournisseurs en espèces.

La preuve recueillie par le fisc pour établir les taxes de vente a servi à établir la cotisation du contribuable John Sklivas.

Revenu Québec soutient que M. Sklivas s'est approprié à des fins personnelles la somme de 653 000 $ sur les 3,2 millions. Cette somme correspond, après ajustements, au prorata de sa participation dans l'actionnariat du restaurant. M. Sklivas était actionnaire à 22,5 % de l'entreprise à numéro détenant le resto La Belle Province du marché Central.

À noter que la présente cause porte uniquement sur le resto du marché Central, même si M. Sklivas a ouvert 16 restaurants au fil des ans.

Les quatre autres actionnaires du resto du marché Central, des membres de la famille élargie de M. Sklivas, ont aussi reçu des avis de cotisation. Toutefois, seul le dossier de George Athanasoloulos, beau-frère de M. Sklivas, est encore devant les tribunaux.

DÉFENSE REJETÉE

M. Sklivas s'est adressé à la Cour du Québec pour faire annuler les avis de cotisation. Le tribunal n'a pas retenu sa défense, qui reposait sur son « avoir net ». En gros, la démarche sert à démontrer que son train de vie ne correspond pas à celui d'un homme qui se serait approprié 653 000 $.

M. Sklivas menait certes la belle vie, mais en s'endettant, a-t-il soutenu devant la cour. À titre d'exemple, il a dépensé 345 433 $ en une seule année, entre autres pour louer des voitures luxueuses - Jaguar, Land Rover et Mercedes -, alors qu'il déclarait un revenu annuel variant entre 50 000 $ et 65 000 $.

Le juge Massol a décidé de maintenir les cotisations pour appropriation de fonds et juge justifiées les pénalités imposées par Revenu Québec à son endroit. « Le demandeur connaissait l'existence de ces revenus et a agi sciemment ou dans des circonstances équivalant à de la négligence flagrante afin de ne pas déclarer lesdits revenus dans ses déclarations », a écrit le magistrat dans sa décision.

LE JUGEMENT CONTESTÉ

M. Sklivas a donné le mandat à son avocate, Me Micheline Charbonneau, d'interjeter appel du jugement.

« On est très déçu du jugement, a dit au téléphone Me Charbonneau, principalement qu'on ne soit pas venu à bout de démontrer qu'il est impossible que mon client ait pu s'approprier autant d'argent que ça. »

« La preuve sur l'"avoir net" est pourtant la méthode utilisée par Revenu Canada quand elle fait une vérification de contribuable. » - Me Micheline Charbonneau, avocate de John Sklivas

Selon elle, les ventes non déclarées du restaurant servent à payer les employés comptant, seule façon, bien souvent, de garder son personnel dans le secteur de la restauration.

Me Charbonneau croise les doigts pour que les juges de la Cour d'appel retiennent la preuve sur l'« avoir net » dans une cause semblable, Pangakis contre l'Agence du revenu du Québec. En première instance, le juge avait rejeté ce type de preuve. La cause a été plaidée devant la Cour d'appel. On attend le jugement.