Une dizaine de jeunes hommes de 17 à 25 ans, de la Rive-Sud, qui semblent avoir pour idole le « loup de Wall Street » et sollicitent des investisseurs sur les réseaux sociaux en faisant miroiter des rendements mirobolants, ont dû couper court à leurs activités.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a obtenu une ordonnance du tribunal pour les obliger à cesser leur recrutement sur Facebook, YouTube, Instagram, Snapchat, Kijiji et ailleurs, et à fermer leurs sites web, qui proposaient des outils pour investir sur le marché des devises.

L'AMF a même demandé une procédure d'urgence pour faire cesser leurs activités, en raison de « motifs impérieux » : ils sollicitent une clientèle jeune et vulnérable, font miroiter des profits irréalistes, auraient déjà recruté au moins 100 investisseurs, diffusent des informations incomplètes et pourraient réaliser des placements illégaux, soutiennent les enquêteurs.

UN ESCROC COMME MODÈLE

Le jugement note que l'un d'eux, Antoine Bouthillier, 19 ans, se vante sur son compte Facebook de ses « lucratives » activités, en diffusant « des photos tirées du film Le loup de Wall Street, mettant en vedette Leonardo DiCaprio dans le rôle du notoire escroc et cocaïnomane Jordan Belfort, lequel passa 22 mois en prison notamment pour détournement de fonds, infractions nombreuses à la législation sur les valeurs mobilières des États-Unis, blanchiment d'argent et pour avoir causé au moins 200 millions de pertes aux investisseurs ».

Des images de ce film étaient aussi publiées sur le site de Finance Stratex, fondée par Simon Brisebois, 25 ans, accompagnées de la mention « They don't teach this shit in school ».

En plus de Bouthillier et de Brisebois, l'ordonnance vise Antoine Charbonneau, Maxime Robichaud, Charley Wion, Étienne Champagne, Alexandro Garcia, Marc-Antoine Bourbonnais, Samuel Jacques et Makir Volcy. Aucun d'entre eux ne détient les permis nécessaires pour exercer des activités de courtage et de placement.

Ils affirment avoir fait fortune sur le Forex, le marché sur lequel les devises sont échangées à des taux qui varient en permanence, et tentaient de convaincre d'autres jeunes de faire de même.

GRIMPER DANS L'ORGANISATION

Ils faisaient la promotion des outils proposés par le site américain iMarketsLive.com, dont le modèle d'affaires est basé sur le recrutement de membres, qui ont accès à un système de négociation automatisée et à des conseils d'investissement.

Le « plan de compensation » proposé par le site prévoit des commissions pour les membres qui en recrutent d'autres, une participation aux profits et des primes, à mesure que les participants grimpent les échelons dans l'organisation. On explique par exemple que le niveau « Président 250 » permet d'empocher 250 000 $ par mois.

Le fondateur du site et de l'entreprise International Markets Live, l'Américain Christopher Terry, qui dit être devenu millionnaire grâce au Forex, est d'ailleurs lui aussi visé par les ordonnances de l'AMF, tout comme l'Albertain Daniel Westby, qui aurait atteint le plus haut rang dans l'organisation au Canada et donnerait des formations en français au Québec.

Sur le site, cinq experts affirment avoir obtenu des rendements de 38 % à 162 % sur plus de 30 semaines grâce à leurs transactions sur le Forex. En sollicitant des investisseurs sur Facebook, Maxime Robichaud affirme que l'organisation permet d'obtenir un rendement de 188 %, alors que le risque n'est que de 4 %.

Alexandro Garcia, 22 ans, qui se présente sur Facebook comme un entrepreneur, vendeur et motivateur, demandait il y a deux semaines : « Qui se cherche un emploi dans les six chiffres ? Être un bon vendeur est un must. » Le jeune homme se félicite 45 minutes plus tard d'avoir comblé 11 places sur 20 pour une formation.

Des membres du groupe ont aussi diffusé une vidéo sur YouTube où l'on voit de jeunes hommes affairés à réaliser des transactions en ligne sur leur ordinateur portable. « Je viens juste de faire 338 $. Je vais bientôt avoir assez pour faire mon paiement de Mercedes », dit l'un d'eux. « J'ai fait 1000 $ depuis ce matin », affirme un autre.

Sur son site web, l'AMF met en garde les investisseurs au sujet du Forex. « Ne croyez pas les publicités qui vantent des méthodes infaillibles, des logiciels ou des séminaires de formation coûteux, peut-on lire. Ces publicités offrent de faire de vous des experts et de vous enrichir rapidement. Ce marché n'est pas adapté à tous les profils d'investisseur, si on vous affirme le contraire, méfiez-vous. Comme pour n'importe quel investissement, soyez particulièrement vigilant si on vous garantit de hauts rendements sans risque. »