L'ex-cadre Mathieu Tremblay aurait réalisé des profits de 533 193 $ dans des transactions litigieuses.

Nouveaux éléments troublants dans l'affaire Mathieu Tremblay, ce gestionnaire de haut niveau en rémunération qui est accusé de délits d'initié.

Selon un document obtenu par La Presse, l'ex-cadre de Bell Canada a été congédié par la firme de télécommunication au début de 2015 pour avoir fait des transactions boursières interdites. De plus, Bell contredit la version de Tremblay et soutient que le gestionnaire était bien au fait de la transaction en devenir entre Bell et Bell Alliant (BA), au printemps 2014, ce qui lui a valu les accusations de délits d'initié.

Ces révélations sont contenues dans le témoignage écrit d'un enquêteur de l'Autorité des marchés financiers (AMF) rendu public l'automne dernier. Le témoignage a été produit dans le cadre d'une perquisition chez BCE et au domicile de la mère de Mathieu Tremblay, Nicole Lachapelle, réalisée au printemps 2015.

Il y a un mois, Tremblay a été formellement accusé de délits d'initié par l'AMF, soit d'avoir bénéficié d'informations privilégiées en Bourse pour s'enrichir indûment. Ces accusations pourraient lui valoir une amende de plus d'un million de dollars.

Les documents de perquisitions soutiennent que Tremblay a fait des transactions sur des actions et des options de Bell Alliant avec ses propres comptes de courtage, mais aussi avec celui de sa mère.

Certaines transactions ont été réalisées alors qu'il était en vacances au Pérou. Au total, il aurait empoché des profits nets de 553 193 $, selon l'AMF. Les transactions litigieuses sur le titre de Bell Alliant ont été réalisées entre le 13 juin 2014 et le 22 juillet 2014. Tous les titres ont été revendus le 23 juillet, jour de l'annonce de l'acquisition de Bell Alliant (BA) par Bell.

BELL

Le 18 mars 2015, Bell a avisé l'AMF qu'elle avait congédié Tremblay « car il avait indiqué avoir transigé sur des options d'achat, ce qui contrevenait à son code de déontologie », est-il écrit dans le document.

De plus, la vice-présidente des services à la haute direction de Bell, Marie-Josée Boivin, a expliqué à l'AMF que Tremblay avait travaillé sur des aspects de la transaction entre Bell et BA et que, autrement dit, il détenait des informations privilégiées.

Plus précisément, l'enquêteur de l'AMF s'est fait dire par Mme Boivin que « Tremblay a été amené à travailler sur les plans de compensation [NDLR : rémunération] des exécutifs de BA dans le cadre de la transaction entre Bell et BA, et ce, avant que l'annonce de cette transaction ne soit publique.

« Dans le cas d'acquisition comme celle-ci, c'était le rôle de Tremblay d'évaluer les différents scénarios possibles lorsqu'il était temps de remercier certains exécutifs. » - Marie-Josée Boivin, vice-présidente des services à la haute direction de Bell

Cette version diffère de celle qu'aurait donnée Tremblay aux enquêteurs de l'AMF, en décembre 2014. Il disait alors ne pas savoir que la transaction allait avoir lieu, qu'il avait acheté les titres sur la base de rumeurs, est-il écrit dans le document.

En novembre 2015, Tremblay était embauché par le Groupe Hay comme chef de la pratique de rémunération des cadres supérieurs pour le Québec. Après l'annonce des accusations, en mars 2016, Hay l'a suspendu avec salaire. Hier, le Groupe Hay n'a pas rappelé La Presse.

Fait à souligner, les faits décrits dans le document de l'AMF n'ont pas été prouvés devant un tribunal et les témoins n'ont pas été contre-interrogés par l'avocat de Mathieu Tremblay.

Nous avons joint au téléphone le conseiller en communication de Mathieu Tremblay, Alexandre Dumas, qui a relayé nos questions au principal intéressé. Selon M. Dumas, Mathieu Tremblay admet avoir été congédié pour avoir transigé sur des options, mais il nie que le code d'éthique de Bell le lui interdisait. De plus, il affirme qu'il a acheté des titres de Bell Alliant comme tout autre investisseur, c'est-à-dire sans avoir d'informations privilégiées.

« Les études de rémunération qu'il a faites à l'époque n'ont pas été effectuées dans le cadre d'une acquisition de la filiale, et celles-ci étaient en tous points analogues à celles qu'il réalisait à longueur d'année pour son employeur », a affirmé M. Dumas.