Même si l'économie canadienne est en panne depuis l'automne, la Banque du Canada choisit de reconduire sa politique monétaire telle quelle.

Le taux cible de financement à un jour reste donc à 0,5 %, en place depuis juillet, même si les marchés avaient parié sur une baisse.

De l'aveu même de son gouverneur Stephen Poloz, la Banque a jonglé avec l'idée d'un nouvel assouplissement, compte tenu de la détérioration de l'économie. « Au début de nos délibérations [la semaine dernière], nous penchions vers un assouplissement monétaire », a-t-il affirmé devant la presse. La chute du dollar canadien nourrit l'inflation et sa dépréciation récente va encore faire monter les prix. Heureusement, les attentes inflationnistes restent bien ancrées autour de 2 %, ce qui rassure les autorités monétaires et leur permet de gagner du temps.

Une nouvelle baisse était susceptible, semble-t-il, d'affaiblir davantage notre monnaie au point d'annihiler les effets positifs désirés.

Surtout, la Banque mise gros sur le prochain budget fédéral, sans doute jugé plus à même de stimuler la croissance désormais que de nouvelles baisses du taux directeur, qu'elle se garde bien d'écarter toutefois. « Pour le moment, nous pouvons être patients », a seulement indiqué le gouverneur.

Le premier budget libéral prévoira des mesures de relance additionnelles, susceptibles de stimuler la demande intérieure. Les autorités monétaires se sont résignées à y jeter leur dévolu.

« Dans l'ensemble, la politique budgétaire au Canada devrait contribuer de plus en plus à la croissance durant la période de projection », lit-on dans le Rapport sur la politique monétaire, dont le scénario intègre déjà les mesures expansionnistes annoncées. Celles de l'Alberta ainsi que les baisses d'impôt fédérales en vigueur depuis le 1er janvier auront un impact d'environ 0,1 %(grosso modo 20 milliards) sur la croissance cette année, estime la Banque.

Sans stimuli fiscaux, la croissance canadienne sera anémique. Cet hiver, à peine 1 % en rythme annualisé, ce qui est tout de même mieux que la stagnation présumée par les autorités monétaires pour l'automne dernier. Le rebond de 1 % des ventes des manufacturiers en novembre ne doit pas faire oublier qu'elles sont toujours en baisse de plus de 3 % sur celles de l'an dernier.

Ce n'est qu'au printemps que la croissance doit s'accélérer quelque peu, prévoit la Banque. Au bout du compte, le rythme d'expansion est projeté à 1,4 % pour l'ensemble de 2016, soit deux dixièmes à peine de mieux que pour l'an dernier.

En octobre, le rythme d'expansion projeté pour 2016 s'élevait à 2,0 %. La différence considérable est attribuable avant tout au fort déstockage que les entreprises devront réaliser au début de l'année avant de relancer leur production.

L'accumulation des stocks est causée par le ralentissement jugé temporaire de l'expansion américaine, au cours de l'automne, en particulier de ses segments qui comptent pour les exportateurs canadiens, comme la fabrication.

Pour 2017, la projection d'expansion est ramenée de 2,5 % à 2,4 %. Fait à noter, depuis un an, la Banque n'a pas cessé de diminuer son scénario économique tout en modifiant bien peu sa projection d'inflation.

La production potentielle de l'économie canadienne, c'est-à-dire le niveau optimal de croissance sans poussée inflationniste, est estimée à tout juste 1,4 %. Par conséquent, l'économie canadienne ne retrouvera son plein régime qu'à la toute fin de l'an prochain, soit environ six mois plus tard que ce que les autorités monétaires estimaient encore en octobre.

Tout cela, bien sûr, c'est avant la prise en compte des effets du budget fédéral prévu pour la seconde moitié de mars.

La Banque mise beaucoup sur les largesses d'Ottawa et celles des provinces pour soutenir l'économie.

Les autorités monétaires estiment que le choc pétrolier aura des effets aggravants jusqu'à l'été. Au niveau actuel des prix, des entreprises qui arrivaient tout juste à couvrir leurs frais variables ne le pourront plus. Cela risque d'entraîner de nombreuses fermetures et des ondes de choc sur leurs pourvoyeurs de biens et services.

Parallèlement, l'effritement du pouvoir d'achat des Canadiens se fera sentir pendant encore plus d'un an, même si la valeur du huard se stabilise aux environs de 72 cents américains.

La Banque fait d'ailleurs cette hypothèse d'ici à la fin de 2017. Elle projette aussi des prix de 37, 36 et 22 $US pour les barils de pétrole Brent, WTI et WCS. Dans tous les cas, il s'agit de chiffres supérieurs à leurs valeurs présentes qui reflètent un optimisme quelque peu surprenant.

Entre-temps, le gouverneur Stephen Poloz et son équipe estiment que les vulnérabilités financières, comme la légère augmentation du niveau d'endettement des ménages, évoluent comme prévu, tout comme les perspectives d'inflation. En conséquence, la politique monétaire actuelle est jugée appropriée.

Au moins jusqu'au printemps.