Il y a tout juste un an, la Banque du Canada a pris tout le monde et son ombre par surprise en abaissant le taux directeur, fixé à 1 % pendant quatre ans et demi.

« Une police d'assurance », avait indiqué par la suite le gouverneur Stephen Poloz, pour faire face à une situation économique « affreuse ».

La suite des choses lui a donné raison. Le Canada a connu une récession technique au premier semestre, laquelle a justifié une deuxième baisse du taux directeur à 0,5 % durant l'été, avant de sortir momentanément de sa léthargie.

Depuis septembre, c'est le retour à l'hibernation. L'économie a au mieux stagné.

En octobre, la Banque avait pourtant misé sur une croissance annualisée de 1,5 % pour le dernier trimestre et de 2 % pour 2016. Elle faisait l'hypothèse que les prix du brut avaient à peu près trouvé leur plancher à 45 $US le baril pour le WTI et à 30 $US pour le Western Canada Select. Ces jours-ci, les prix sont plutôt de 31 $US et 16 $US, soit des niveaux qui remontent à avant l'invasion américaine de l'Irak, en 2003. Cette nouvelle chute agit un peu comme une réplique après un choc tellurique : il faut s'en méfier, car elle vainc les infrastructures fragilisées par la première secousse.

Même en tenant compte de la dépréciation de 10 % environ du huard par rapport au billet vert depuis octobre, bien des producteurs canadiens devront bientôt cesser de produire à ces prix. En pareil cas, la chute des investissements, observée dans le secteur des ressources l'an dernier, va se prolonger en 2016 et faire tache d'huile parmi les fournisseurs canadiens d'équipements et de services professionnels à cette industrie.

Les économies dont disposent les ménages grâce à la diminution des prix de l'essence sont englouties dans l'alimentation, où les prix des fruits, des légumes et de la viande grimpent à cause de la dépréciation du huard.

Il ne reste plus grand-chose pour relancer la consommation des ménages, dont le moral diminue aussi vite que le pouvoir d'achat.

Relancer les exportations prend plus de temps que d'absorber le choc pétrolier. M. Poloz parle de trois à cinq ans. Beaucoup d'exportateurs (quelque 10 000, selon la Banque) actifs au début du siècle ont fermé boutique ou plié bagage quand le huard était trop fort, n'étant plus concurrentiels.

Si les ménages sont à bout de souffle, si les entreprises hésitent à investir quand prévaut l'incertitude à l'échelle canadienne et mondiale, il ne reste plus grand ressort pour assurer la poursuite de l'expansion.

Le fameux plan que prétend détenir le gouvernement fédéral ne sera détaillé que dans le premier budget de Bill Morneau, attendu pendant la seconde moitié de mars. Sa mise en place ne commencera à porter ses fruits qu'à la fin de l'été ou à l'automne, et risque de ne pas suffire.

Que faire d'ici là ?

Se croiser les bras et espérer ? Se doter d'une nouvelle police d'assurance qui, loin d'être une panacée, permet d'absorber en partie la deuxième onde du choc pétrolier ?

Les marchés financiers ont déjà pleinement escompté au moins une nouvelle baisse du taux cible de financement à un jour, le taux directeur. La semaine dernière, le gouvernement canadien a émis des bons du Trésor pour 30 jours en consentant un taux moyen de 0,416 % seulement, soit moins que le taux directeur. Mieux, il a pu emprunter 2,6 milliards pendant un an à 0,393 %.

Les émissions se sont vendues comme des petits pains. Les prêteurs ont accepté un rendement moindre pour un prêt d'un an que pour un prêt de 30 jours. Agit-on autrement quand on anticipe une baisse de taux ?

Plus on se rapproche de zéro et plus, semble-t-il, une baisse de taux perd de son mordant. M. Poloz et son équipe l'ont expérimenté l'an dernier : les institutions financières ont abaissé de 30 centièmes leur taux préférentiel alors que le taux directeur a diminué de 50 centièmes. Ces derniers jours, plusieurs banques ont même augmenté certains de leurs taux hypothécaires pour refléter sans doute des conditions de financement un peu plus serrées.

Il est bien probable que leur taux préférentiel, fixé à 2,70 %, ne diminue pas de 25 centièmes, en cas de geste de la Banque, ce mercredi, en mars ou en avril, mais il baissera tout de même quelque peu.

Pour optimaliser son geste, la Banque peut aussi l'assortir d'indications sur les conditions permettant le début d'un nouveau cycle de resserrement monétaire. C'est ce qu'avait fait avec succès Mark Carney en 2009 en portant le taux à 0,25 %.

Alors, pourquoi reporter à mars ou avril ce qui paraît inévitable ?