Le scandale des moteurs diesel du groupe Volkswagen a pris une ampleur inédite mardi, le constructeur allemand admettant que 11 millions de ses véhicules dans le monde étaient équipés du logiciel de trucage aux tests antipollution découvert aux États-Unis.

Pour le deuxième jour consécutif, l'action Volkswagen a vécu une véritable descente aux enfers à la Bourse de Francfort où elle a perdu 19,82% sur la séance. En deux jours, elle a ainsi dévissé de 35%, effaçant 37 milliards $ de capitalisation boursière, et entraînant dans son sillage les autres titres automobiles sur les places européennes.

En fin de journée, le patron du groupe, Martin Winterkorn, a présenté ses «profondes excuses» et affirmé n'avoir pas lui-même à l'heure qu'il est «les réponses à toutes les questions». Il a promis de faire la lumière sur l'affaire, semblant démentir indirectement les rumeurs d'éviction imminente qui avaient circulé dans la journée.

Volkswagen a reconnu que «des enquêtes internes (avaient) montré que le logiciel en question était aussi présent dans d'autres véhicules diesel du groupe». Soit pas seulement des voitures de marque VW ou Audi aux États-Unis, comme avéré jusqu'alors, mais potentiellement aussi ailleurs dans le monde et sur d'autres marques comme Skoda et Seat. Volkswagen chapeaute douze marques de voitures, camions et motos.

Le trucage, qui vise à contourner les tests antipollution au moyen d'un logiciel détectant le moment où ils sont effectués, concerne tous les moteurs diesel de type EA189, soit «un volume total d'environ 11 millions de véhicules dans le monde», selon le constructeur. Cela correspond à peu près au nombre de voitures que le groupe, qui a récemment détrôné Toyota comme numéro un mondial du secteur, vend en un an.

«Totalement merdé» 

«Il va s'agir d'établir qui savait quoi, qui a pris les décisions», a déclaré Olaf Lies, ministre de l'Economie de l'État régional de Basse-Saxe, actionnaire de Volkswagen à hauteur de 20%, et membre du conseil de surveillance. Le président du comité d'entreprise, Bernd Osterloh, qui siège lui aussi à l'organe de contrôle, va demander à ce que «des conséquences personnelles en soient tirées», selon une lettre envoyée aux employés et diffusée par le quotidien populaire Bild.

Selon l'autorité américaine EPA, qui a révélé l'affaire vendredi, Volkswagen avait été informé dès 2014 par les régulateurs d'écarts entre les émissions réelles et celles relevées lors de tests.

A Berlin, la chancelière Angela Merkel a appelé ce grand nom de l'industrie allemande, fierté nationale, à «la transparence totale» sur cette supercherie.

Plusieurs enquêtes pénales ont par ailleurs été ouvertes aux États-Unis, le pays où le scandale a éclaté, par le ministère de la Justice au niveau fédéral et par le ministère de la Justice de l'État de New York.

«Aucune entreprise ne doit être en mesure d'échapper à nos lois environnementales et de faire de fausses promesses aux consommateurs», a déclaré le ministre de la Justice de l'État de New York Eric Schneiderman dans un communiqué.

«Notre entreprise a été malhonnête (...) et avec mes mots en allemand on dirait qu'on a "totalement merdé"», a de son côté admis le PDG de Volkswagen America, Michael Horn.

La Corée du Sud va conduire des tests, tout comme l'Allemagne, et l'Italie et la France ont annoncé l'ouverture d'investigations.

En Allemagne, le ministre des Transports a annoncé la création d'une commission dont les membres --des fonctionnaires et des scientifiques-- vont se rendre dès cette semaine à Wolfsburg (nord), siège du groupe. Le ministre Alexander Dobrindt a déclaré n'avoir «aucune indication» d'agissements frauduleux d'autres constructeurs.

Emplois menacés?

Volkswagen, qui pourrait devoir payer jusqu'à 18 milliards de dollars d'amende rien qu'aux États-Unis, sans compter le coût des rappels et d'éventuelles procédures en justice, va mettre de côté 10 milliards $ sous forme de provisions dans ses comptes du troisième trimestre (juillet-septembre). De quoi sérieusement amputer le bénéfice annuel du géant de l'automobile, aux 295 milliards $ de chiffre d'affaires et 600 000 salariés.

Selon la presse allemande, les membres les plus influents du conseil de surveillance se sont réunis mardi soir. La réunion aurait eu lieu à l'aéroport de Braunschweig (Brunswick), près de Wolfsburg, a affirmé le Hannoversche Allgemeine Zeitung. Aucune information sur d'éventuelles décisions n'a filtré à l'issue de la réunion qui devrait se poursuivre mercredi, selon l'agence de presse DPA.

Officiellement, une réunion de l'ensemble de l'organe de conseil vendredi est toujours censée prolonger le contrat de M. Winterkorn jusqu'à fin 2018, mais les doutes se sont multipliés ces derniers jours.

D'aucuns s'inquiétaient déjà en Allemagne du discrédit jeté sur le «made in Germany» et du préjudice causé à l'industrie dans son ensemble, pilier de l'économie et facteur essentiel des succès à l'export.

Et parallèlement à ce scandale, une plainte a été déposée mardi à Sao Paulo contre Volkswagen par des anciens travailleurs et des militants qui accusent le groupe automobile allemand d'avoir permis la torture et la persécution d'opposants sous la dictature militaire brésilienne.

«Des salariés de Volkswagen ont été victimes de torture et de détention illégale, d'autres ont été mis au chômage et placés sur des "listes noires", surveillés illégalement», a assuré Rosa Cardoso, une avocate qui représente aujourd'hui plusieurs victimes.