Les risques de dérapage à la Enron existent toujours, selon Andrew Fastow, ancien chef des finances de l'entreprise maudite, qui a purgé une peine de six ans de prison après avoir plaidé coupable à des accusations de fraude boursière.

Le criminel repenti était invité par la Société canadienne des secrétaires corporatifs comme conférencier, hier midi à Montréal. Sa présentation portait sur les erreurs de jugement au sein d'entreprises, qui peuvent mener à des échecs comme celui qu'a connu Enron.

Dans sa téléconférence d'une heure, M. Fastow, qui n'a pas pu entrer au Canada en raison de son passé judiciaire, a expliqué comment il en était arrivé à manipuler les livres d'Enron en jouant avec les règles et en retenant systématiquement les hypothèses les plus favorables pour l'entreprise.

«J'ai respecté toutes les règles et obtenu toutes les autorisations pour chacune des transactions financières que j'ai réalisées», a-t-il pris soin de souligner. En 2000, le financier recevait le trophée du CFO de l'année par le CFO Magazine pour souligner les opérations hors bilan effectuées par Enron.

L'objectif de ces opérations comptables est de sortir du bilan des éléments d'actif, et surtout les dettes qui leur sont rattachées, tout en continuant de comptabiliser les revenus et les dépenses. L'entreprise paraît moins endettée qu'elle ne l'est en réalité. Lorsque ces opérations se multiplient, le bilan comptable de l'entreprise ne donne plus une image juste de sa santé financière.

«Ce sont exactement les mêmes transactions pour lesquelles j'ai reçu un trophée qui m'ont valu ma carte de prisonnier, a-t-il dit au moment où apparaissait à l'écran la carte rouge que chaque prisonnier d'un centre de détention fédéral doit porter sur lui en tout temps.

Le conférencier reconnaît sans aucune hésitation ses torts et ne cherche nullement à minimiser ses fautes, qui ont causé du mal à des milliers d'honnêtes gens.

«Je ne me suis jamais demandé si ce que je faisais était bien ou pas. Je me contentais de savoir si c'était légal», a-t-il reconnu.

Dans sa conférence, M. Fastow a donné des exemples d'entreprises qui ont recours encore aujourd'hui aux procédés qu'Enron a popularisés.

Il a donné l'exemple des hypothèses de rendement des éléments d'actif de caisses de retraite. Encore beaucoup de sociétés américaines utilisent une hypothèse de rendement à long terme de 7,5%. Un tel rendement élevé réduit le déficit comptable de la caisse de la retraite, ce qui améliore le bilan de l'entreprise. Sa cote de crédit s'en trouve améliorée et ses frais de financement, réduits.

Leçons à tirer

Sur les leçons à tirer de l'expérience Enron, M. Fastow a suggéré à son auditoire de se concentrer sur les principes guidant les règles et pas seulement sur les règles comme telles. On doit aussi, selon lui, garder à l'esprit non seulement les bénéfices rattachés à une transaction, mais également son impact sur les risques auxquels fait face la société, sur le plan de sa réputation, notamment.

À la question «Comment devrait agir le conseil d'administration avant d'autoriser ou non une transaction?», M. Fastow donne cette réponse: «Si vous étiez une entreprise privée et que vous aviez la volonté de mettre la société dans les mains de votre petit-enfant, prendriez-vous cette décision?»

Encadré(s) :

Qui est Andrew Fastow?Ancien chef des finances d'Enron, M. Fastow, 53 ans, est devenu célèbre avec ses opérations financières qui consistaient à sortir du bilan d'Enron d'importants actifs, lourdement endettés. Il a plaidé coupable à des accusations de fraude boursière et a reçu sa sentence en 2004. Il est sorti de prison en 2011. Il habite Houston, travaille depuis quatre ans au sein d'un cabinet d'avocats et donne des conférences sur la gouvernance.

Qu'est-ce qu'Enron?En 2000, à son sommet, le négociant d'énergie Enron détenait le plus important système de pipelines de gaz naturel en Amérique, le deuxième en importance dans le monde. Ses revenus atteignaient les 100 milliards. Le président et chef de la direction, Jeff Skilling, démissionne sans raison apparente le 14 août 2001. Le château de cartes s'écroule. L'entreprise fait une faillite retentissante 4 mois plus tard.

Illustration(s) :

Photo archives reuters

Andrew Fastow lors de son transfert en prison, en septembre 2006