L'avocat bien connu Jean-Pierre Desmarais vient d'être reconnu coupable de 68 chefs d'accusation pour avoir agi illégalement comme courtier pour le compte de la Fondation Fer de Lance (FFDL). Il est aussi coupable d'avoir recueilli des fonds des investisseurs sans l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

«On est satisfaits du jugement, qui reconnaît que nos arguments étaient fondés. C'est un dossier qui a nécessité une preuve volumineuse», a déclaré Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF, qui est la poursuivante dans le dossier.

La décision a été rendue hier par la juge Nathalie Fafard, de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec.

Les observations sur la peine seront entendues à la fin du mois. Me Desmarais risque une peine d'emprisonnement de cinq ans et une amende de 1 million de dollars. C'est du moins ce que réclame l'AMF.

Avocat spécialisé en droit commercial, Jean-Pierre Desmarais a été associé au cabinet Marchand, Melançon et Forget de 2003 à 2010, période pendant laquelle les fautes reprochées se sont produites.

Il a été prouvé devant le tribunal qu'à 34 reprises entre le 26 janvier 2007 et le 7 juillet 2008, des investisseurs ont remis à M. Desmarais des sommes variant de 20 000$ à 116 666$ dans le cadre d'un contrat d'investissement. Or, M. Desmarais, qui agissait comme conseiller juridique de la Fondation, ne détenait pas le permis de courtier requis pour ce faire.

La Fondation

La Fondation Fer de Lance se définissait comme un organisme sans but lucratif qui sollicitait des fonds en échange d'un rendement de 20%, 30%, voire 150%, au moyen d'ingénieries financières. Le capital était prétendument garanti. Les fonds excédentaires au rendement promis aux investisseurs devaient servir à financer des projets visant à améliorer «le genre humain sur la terre».

Au final, aucune compensation promise n'a jamais été versée aux investisseurs. Certains d'entre eux ont toutefois récupéré leur mise de fonds. Quant aux bonnes oeuvres, elles n'ont pas vu le jour, note la juge dans sa décision.

Il a également été prouvé que la Fondation Fer de Lance a transféré 4 millions US dans des paradis fiscaux entre 2007 et 2009, passant de l'île de Man à la Suisse, puis au Luxembourg. De cette somme, 2,7 millions US n'ont pu être retracés par le juricomptable de l'AMF.

Pour sa défense, Me Desmarais prétendait que l'argent qu'on lui confiait ne constituait pas un investissement visé par la Loi sur les valeurs mobilières. Il insistait aussi pour dire que son rôle se limitait à celui de conseiller juridique de la fondation et de son fondateur Paul Gélinas. Arguments que n'a pas retenus la juge Fafard.

«Le défendeur a rencontré les investisseurs, il a reçu lui-même les traites bancaires et contresigné les contrats d'investissement, en plus de s'engager à assurer la sécurité du capital. Il a procédé au transfert de sommes déposées dans le compte en fidéicommis de son cabinet de l'époque vers les comptes en fidéicommis de FFDL.

«En étant partie prenante aux transactions, à tous les niveaux, le défenseur a franchi la ligne séparant son rôle d'avocat de sa participation aux activités de FFDL et endossé le rôle d'intermédiaire auprès des investisseurs.»

La juge a aussi rejeté la défense de diligence raisonnable présentée par le défendeur. «Aucune mesure n'a été prise par le défenseur pour éviter que l'infraction ne soit commise. Quant à son offre de collaboration avec les autorités après le fait, elle ne lui est d'aucun secours dans le cadre d'une défense de diligence raisonnable», écrit le juge Fafard.

Le fondateur de la Fondation Fer de Lance, Paul Gélinas, est aussi poursuivi par l'AMF. Son procès doit s'ouvrir en février 2016.

Les fonds gelés

Concernant l'argent des investisseurs, rappelons que l'AMF a gelé les fonds de la Fondation Fer de Lance depuis 2009. Il y en a pour 5,7 millions. Il en manquerait environ 2 millions. La distribution des fonds bloqués doit se faire dans le cadre du recours des investisseurs devant la Cour supérieure.

«L'Autorité entend transmettre un avis dans le cadre du recours en vue de fixer une date de procès ou de convenir, sous la supervision d'un juge de la Cour supérieure, d'un mode de distribution ordonnée des sommes bloquées au prorata des sommes investies par tous les investisseurs», a précisé Sylvain Théberge, de l'AMF, dans un courriel.