Dans l'affaire Amaya (T.AYA), les courtiers du bureau de Dorval de Placements Manuvie ont été interrogés par des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF) lors de la perquisition du 10 décembre, a appris La Presse.

Vers 11h30 ce jour-là, les enquêteurs de l'AMF ont fait irruption dans les bureaux de la route Transcanadienne de Manuvie. Plusieurs sources indiquent que l'AMF était épaulée par des agents de la GRC. La centaine d'employés se sont alors fait ordonner de cesser toute activité et de ne plus toucher à leurs outils de travail, dans un climat de vive tension.

La perquisition de l'AMF était faite dans le cadre d'une enquête pour savoir si certains investisseurs avaient pu bénéficier d'informations privilégiées pour acheter le titre boursier d'Amaya avant la colossale transaction du 12 juin. Amaya annonçait alors l'acquisition d'Oldford Group et de son populaire site PokerStars pour 4,9 milliards US.

Profiter d'informations privilégiées constitue un délit d'initiés qui est une faute grave mais difficile à prouver.

Lors d'une perquisition comme celle à Dorval, la procédure intimidante de gel des activités est courante, puisque les autorités veulent s'assurer qu'on ne détruira aucune pièce qui pourrait être déterminante dans l'enquête, le cas échéant. Toutefois, la visite de l'AMF le même jour dans les bureaux de Canaccord Genuity, au 1250, boulevard René-Lévesque Ouest, au centre-ville de Montréal, n'a pas donné lieu au même déploiement, selon nos informations.

Les courtiers de Manuvie Dorval ont été brièvement interrogés par deux enquêteurs de l'AMF avant d'être autorisés à quitter les lieux, a-t-on appris. Les questions portaient sur leurs connaissances de l'entreprise Amaya, leurs transactions personnelles sur ce titre et les transactions pour le compte de leurs clients, entre autres.

Avant-hier, le quotidien The Globe and Mail soutenait que la direction de Manuvie avait avisé l'AMF qu'une douzaine de ses courtiers et des membres de leur famille, souvent d'origine libanaise, avaient acheté des actions ou des options d'Amaya dans les mois précédant l'annonce du 12 juin. L'appel de Manuvie à l'AMF serait survenu après la transaction du 12 juin.

Selon nos informations, les deux tiers du document que l'AMF a présenté au juge pour obtenir des mandats de perquisition concerneraient Manuvie. Ce document de plusieurs dizaines de pages est le résumé des faits de l'enquêteur David Gallant qui donne des motifs raisonnables de croire qu'il y aurait eu des délits d'initiés.

Aucune infraction pénale n'a été prouvée devant les tribunaux, cela dit, et personne n'a été accusé de quoi que ce soit.

300 investisseurs?

Le 26 janvier, La Presse écrivait que les transactions boursières de plusieurs dizaines d'investisseurs de partout au Canada sont passées au peigne fin par l'AMF. Il s'agit de clients et de courtiers de Placement Manuvie et des clients de Canaccord.

Le 9 février, The Globe and Mail rapportait de son côté qu'un organisme de réglementation américain avait relevé environ 300 investisseurs qui auraient empoché des gains importants en achetant des titres d'Amaya dans les mois précédant la transaction.

L'organisme en question est la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA). En décembre, elle aurait transmis un avis sommant les dirigeants d'Amaya de répondre à un questionnaire sur des liens possibles avec la longue liste d'investisseurs. Une demi-douzaine de firmes d'avocats et de banques qui ont conseillé Amaya pour la transaction se sont fait poser le même genre de questions, selon le Globe and Mail.

La liste anormalement longue contiendrait les noms de gestionnaires de portefeuille, d'hommes d'affaires et de sociétés à numéro du Canada.

Le 10 décembre, les locaux d'Amaya sur la route Transcanadienne, à Pointe-Claire, ont également fait l'objet d'une perquisition. Après des démarches en Cour contre l'AMF, l'entreprise a pu obtenir une copie caviardée du document de l'enquêteur David Gallant, et Canaccord a fait la même demande, selon nos renseignements.

L'AMF ne veut pas commenter cette affaire qui fait toujours l'objet d'une enquête, pas plus que Manuvie, Amaya ou Canaccord, qui disent collaborer avec les autorités.

- Avec la collaboration de Richard Dufour, Jean-Sébastien Gagnon, Daniel Renaud et Kathleen Lévesque