L'investisseur milliardaire activiste Bill Ackman a sorti l'artillerie lourde, hier matin, dans sa deuxième tentative publique d'assimiler l'entreprise de produits naturels Herbalife (HLF) à un système de vente pyramidale. Ses arguments n'ont toutefois pas semblé convaincre ou effrayer Wall Street, où le titre d'Herbalife a bondi de plus de 25%.

Ackman est officiellement en guerre contre Herbalife et son PDG, Michael Johnson, depuis décembre 2012, quand il a mené une première présentation au cours de laquelle il a comparé Herbalife à un schéma de Ponzi. Il avait du même coup annoncé avoir pris une position à découvert de près de 1 milliard US en actions de l'entreprise, pariant ainsi sur son déclin.

Hier, après avoir notamment employé des comparaisons avec Enron et Bernard Madoff, il a conclu son exposé de plus de deux heures la gorge nouée par l'émotion.

«Michael Johnson est un prédateur, a-t-il accusé. C'est une entreprise criminelle. J'espère que tu écoutes, Michael. Il est temps de fermer l'entreprise.»

Plus tôt, il avait accusé la haute direction de l'entreprise d'avoir «conçu, mis sur pied et exécuté une stratégie pour exploiter les pauvres».

«Clubs de nutrition»

M. Ackman n'a pas mâché ses mots pendant sa présentation, faite à New York et diffusée en direct sur l'internet.

Il s'y est cette fois surtout concentré sur les «clubs de nutrition», la nouvelle voie de la croissance pour Herbalife. Ces clubs prennent la forme de locaux anonymes dans lesquels les gens sont invités à venir consommer des produits de l'entreprise. Ils sont mis sur pied par des entrepreneurs, en grande majorité d'origine latine, à qui Herbalife fait miroiter des fortunes, selon Ackman.

Or, il s'agirait, selon lui, essentiellement d'entreprises de recrutement. Pour en mettre un club sur pied, il faut d'abord suivre une formation. L'un des programmes de certification, baptisé «Club 100», a été taillé en pièces par Ackman et son équipe, qui ont démontré que toutes ses étapes ne servent à peu près qu'à fournir des «clients fantômes» aux clubs de nutrition, qui n'ont en réalité à peu près pas de véritables clients.

La première étape consiste, par exemple, tout simplement à agir comme client. Puis, les recrues doivent apprendre à fabriquer 100 mélanges nutritionnels, pour lesquels ils doivent trouver preneurs, vraisemblablement au sein de leur entourage. Ils visitent ensuite, en groupes, d'autres clubs, où ils sont encore une fois forcés de consommer. Et ainsi de suite.

Ces clubs pullulent et se comptent maintenant par dizaines de milliers.

«J'ai fait du commerce de détail à quelques occasions, et la croissance n'y est pas exponentielle, a indiqué M. Ackman. Au contraire, elle ralentit au fur et à mesure que l'entreprise grossit. Les pyramides, elles, ont une croissance exponentielle.»

Selon ses estimations, basées sur l'observation sur le terrain des activités de quelques-uns de ces clubs, ils perdent en moyenne 12 000$ par année chacun et ne livrent par conséquent pas les promesses de richesse faites aux recrues.

Qui plus est, le processus de certification est une sorte de tapis roulant éternel, selon lui, puisqu'il implique aussi des requalifications périodiques.

Le temps presse

M. Ackman dit avoir investi 50 millions US dans son enquête sur Herbalife. La Securities and Exchange Commission, la Federal Trade Commission, le département de la Justice, le FBI ainsi que les procureurs généraux de New York et de l'Illinois ont ouvert des enquêtes, jusqu'ici sans succès.

«Michael Johnson est en poste depuis plus de 10 ans, et les victimes ont 24 milliards US en moins, soit les revenus de l'entreprise durant cette période. Puisque l'entreprise croît si rapidement, chaque année où l'on attend, la fraude atteint de plus en plus de gens. On parle de 5 milliards US seulement l'an passé.»

Malheureusement pour Ackman, son exposé n'a pas semblé ébranler la confiance envers l'entreprise. Le titre a gagné plus de 25% et terminé à 67,77$US à New York, faisant du même plus coup plus qu'effacer les pertes de 11% de la veille.

---------------

QUI EST HERBALIFE?

Basée à Los Angeles et fondée en 1980, Herbalife se spécialise dans les produits de nutrition et de soins de la peau. Elle a réalisé des ventes de 4,83 milliards US en 2013 et dégagé un bénéfice net de 527,5 millions US. L'entreprise bâtit notamment sa marque en commanditant des équipes de soccer. C'est le cas notamment du Galaxy de Los Angeles, dans la MLS, du FC Barcelone, en Espagne, et du Spartak de Moscou, en Russie. Elle compte aussi sur l'appui de l'ancienne secrétaire d'État américaine Madeleine Albright. Elle est active au Canada depuis 1982.

--------------

BATAILLE ENTRE GRANDS FONDS SPÉCULATIFS AUX GESTIONNAIRES-VEDETTES

À l'assaut d'Herbalife

> William Bill Ackman

> Âge: 48 ans

> Fonds: Pershing Square Capital Management

> En 2012, il a parié environ 1 milliard US sur une chute du titre d'Herbalife (vente à découvert, ou short). Il accuse l'entreprise d'être une vaste organisation de vente pyramidale et soutient qu'elle est vouée à l'effondrement. Il demande ni plus ni moins aux autorités de fermer l'entreprise.

> Un autre dossier qui l'occupe: Ackman détient près de 10% des actions d'Allergan et tente de pousser l'entreprise à accepter l'offre hostile de Valeant, de Laval, avec laquelle il s'est allié.

> Une intervention marquante: sa croisade pour nommer Hunter Harrison à la tête du Canadien Pacifique, en 2012 (il détient 8% des actions).

À la défense d'Herbalife

> Carl Icahn

> Âge: 78 ans

> Fonds: Icahn Associates Corp.

> Il est le plus important actionnaire d'Herbalife, avec 17,3% des actions en date du 31 mars. Il s'inscrit en faux contre la démarche de Bill Ackman. Le printemps dernier, Icahn a pu nommer 3 membres supplémentaires au conseil d'Herbalife, si bien que 5 des 13 membres sont liés à lui. «À long terme, je pense qu'Herbalife est très sous-évalué, a déclaré Icahn en mars. Ce n'est pas un schème de Ponzi. J'en ai la forte conviction, après avoir fait beaucoup de recherches sur Herbalife.»

> Un autre dossier qui l'occupe: en juin, Carl Icahn a dévoilé qu'il avait accumulé une participation de 9,4% (plus de 600 millions US) dans la chaîne de magasins de rabais Family Dollar Stores. Il a réclamé la mise en vente de l'entreprise.

> Une intervention marquante: sa sortie médiatique, en août 2013, pour réclamer d'Apple qu'elle retourne à ses actionnaires une partie de ses imposantes liquidités (il détient 0,9% des actions). Depuis, Apple a annoncé des rachats d'actions pouvant atteindre 90 milliards US.