L'opération devait être neutre à l'origine, mais elle devra désormais contribuer à rééquilibrer les finances du gouvernement Couillard. La future commission sur la fiscalité qu'on confiera à Luc Godbout doit identifier 650 millions de dollars de «dépenses fiscales» à sabrer. Et les haut salariés ne seront pas épargnés.

Car l'engagement de ne pas augmenter les impôts des Québécois a été passablement nuancé hier par le ministre des Finances. «Nous nous engageons à ne pas hausser le fardeau fiscal de la classe moyenne au Québec. Ça, c'est clair, c'est un engagement formel, nous n'allons pas le faire», a soutenu Carlos Leitao au cours de la période des questions, mobilisée par son budget déposé mercredi.

Jusqu'ici, le premier ministre Philippe Couillard n'avait pas limité son engagement aux moyens revenus.

La commission Godbout sur la fiscalité a le mandat de trouver des économies de 650 millions. «Ça va venir des crédits d'impôt», selon le ministre, suggérant que ce sont surtout les entreprises qui encaisseront l'impact des changements.

Même si la croissance de la première moitié de 2014 est «extrêmement faible», le ministre Leitao croit qu'on atteindra 1,8% sur l'année. «La première moitié de l'année était très difficile, la création d'emplois, en première moitié de l'année, était quasi nulle, voire négative. Les choses vont tourner dans la deuxième moitié», prédit l'ancien économiste en chef de la Banque Laurentienne.

Pour le chef du Parti québécois (PQ), Stéphane Bédard, les prévisions du ministre n'inspirent pas confiance. MM. Couillard et Leitao, en campagne électorale, «nous promettaient sans rire que la simple arrivée d'un gouvernement libéral ferait passer la croissance de 1,9% à 2,1%. Eh bien, en ouvrant le budget, on constate qu'il y a effectivement eu un effet libéral, puisque la croissance économique est plus faible, à 1,8%», soutient M. Bédard.

Durant la campagne encore, M. Couillard promettait que l'effet libéral allait créer plus d'emplois en 2014. Or, dans le budget, on «reconnaît finalement qu'il y a eu 47 800 emplois créés par le Parti québécois l'année passée. Il y a, par contre, une mauvaise nouvelle. Cette année, on prévoit 31 300 nouveaux emplois», renchérit le chef péquiste.

«Je préfère de loin et je crois que la population également préfère de loin un gouvernement qui sous-promet, mais qui "sur-réussit". Ce sera le cas de notre gouvernement», réplique Philippe Couillard.

Des précisions

Plusieurs chiffres évoqués dans le budget ont été précisés hier: le ministre Pierre Arcand a précisé que ce sont environ 75 millions que récoltera Québec en changeant les règles quant au partage des revenus d'Hydro-Québec. On prévoyait un partage moitié-moitié entre les abonnés et le gouvernement. Or, Québec prendra tout jusqu'à l'atteinte de l'équilibre budgétaire.

Les consommateurs industriels seront touchés au premier chef. Francine Charbonneau, responsable de la Famille, a précisé que ce sont 45 millions qu'allait puiser Québec dans les surplus des centres de la petite enfance (CPE), lesquels atteignent 196 millions.

Mme Charbonneau a croisé le fer avec le critique péquiste Mathieu Traversy. Selon le député de Masson, le budget reporte de plusieurs années l'atteinte des 300 000 places nécessaires pour compléter le réseau des garderies. Selon Mme Charbonneau, les statistiques montrent que c'est sous les gouvernements libéraux qu'il s'est le plus créé de places: 2500 par exemple en 2011-2012 comparativement à 1750 sous le gouvernement Marois. «Alors, le député se lève pour nous accuser de ne faire que 6300 places l'an prochain!», a-t-elle lancé.

Selon le péquiste Jean-François Lisée, les plus démunis doivent se préparer aux «années de plomb» du régime libéral. Le budget Leitao ne répond pas «aux demandes de la Ville de Montréal et de tous les groupes pour une vraie politique de l'itinérance, 600 000$ pour les femmes itinérantes, 1 million pour les autochtones, 4 millions pour les autres. C'est non. Pour les itinérants au Québec, les années libérales seront des années de plomb», a lancé l'ex-ministre de Montréal.

Selon Lucie Charlebois, responsable de la Santé publique, déjà 500 millions sont aiguillés vers ces clientèles vulnérables. Et en dépit d'un «contexte budgétaire difficile, on a non seulement maintenu le budget, mais augmenté de 5 millions», a-t-elle dit.

Moody's doute

«L'objectif de parvenir à un budget équilibré pour 2015-2016 repose sur un changement important dans les habitudes de dépenses des dernières années et sur des mesures fiscales d'un comité d'examen spécial qui n'a pas encore été formé. Considérant cela, de même que la détérioration récente des soldes budgétaires par rapport aux cibles annoncées, l'atteinte d'un budget équilibré en 2015-2016 paraît ambitieux à ce stade-ci.»

Michael Yake, vice-président adjoint et analyste chez Moody's Canada