Le premier budget du gouvernement Couillard fait tomber le couperet sur une longue liste de dépenses publiques et reporte bien des promesses et des projets d'investissements. Mais les Québécois n'ont encore rien vu : l'an prochain, c'est la gamme des services qui sera examinée.

« Le gouvernement engage la première étape de ce passage obligé que nous devons emprunter pour rétablir enfin l'équilibre budgétaire », a résumé hier le ministre des Finances, Carlos Leitao, dans son discours d'austérité budgétaire, à l'Assemblée nationale.

Après six ans de déficit, Québec garde le cap sur un budget équilibré pour 2015-2016, ce qui le force à administrer une médecine de cheval, à sabrer les dépenses dès maintenant et à renvoyer sine die une longue liste de promesses. Ce choix de l'austérité, « c'est un budget sérieux, parce que la situation est sérieuse. On veut envoyer un signal clair [...] : le Québec n'est pas dans la dèche, mais on a un crédit structurel important », a expliqué le ministre en conférence de presse.

Le PQ avait prévu un déficit de 1,75 milliard cette année. En l'absence d'un coup de barre dans les dépenses, il aurait en fait pu atteindre 5,6 milliards, selon le vérificateur général. Québec écrase les prévisions de dépenses gouvernementales de 2,7 milliards cette année, si bien que le déficit 2014-2015 est fixé à 2,35 milliards.

Depuis 10 ans, les dépenses de Québec ont augmenté de 4,1 % par année en moyenne. Cette croissance sera ramenée à 1,8 % cette année et carrément laminée, à 0,7 %, l'an prochain. Cette année, 90 % des efforts de rééquilibre portent sur les dépenses.

Pour la santé, le plus gros des postes de dépense du gouvernement, on pense ramener la croissance à 3 % cette année et à un douloureux 2,6 % l'an prochain, un défi colossal compte tenu du vieillissement de la population.

« Les dépenses augmentent plus vite que les revenus. Cette situation ne peut perdurer. Le moment est venu de prendre des décisions difficiles. », affirme Martin Coiteux, président du Conseil du trésor

Une commission permanente aura pour mandat d'étudier la pertinence des programmes du gouvernement.

Les faits saillants :

• Le gouvernement respecte son engagement d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015-2016;

• En 2014-2015, le déficit dépassera de 600 millions de dollars l'objectif fixé par le gouvernement précédent (1,75 milliard) pour atteindre 2,35 milliards;

• Hausse de la taxe sur le tabac de 4 $ par cartouche de 200 cigarettes;

• Hausse de la taxe sur l'alcool: 0,05 $ de plus par bouteille de bière et 0,24 $ par bouteille de vin (sauf au restaurant et dans les bars: 0,07 $ de moins la bouteille de bière et 0,92 $ la bouteille de vin);

• Relance du Plan Nord et de l'industrie forestière;

• Appui aux PME manufacturières (réduction de 8 à 4% du taux d'imposition);

• Mise en place de la Stratégie maritime;

• Investissement dans les infrastructures (90,3 milliards d'ici 10 ans);

• Croissance économique qui devrait se fixer à 1,8% en 2014 et 2% en 2015;

• Révision à la baisse de mesures fiscales aux entreprises, dont la réduction de 20% des crédits d'impôt;

• Les dépenses de l'État atteindront 74,2 milliards;

• Croissance des dépenses des ministères plafonnée à 1,8%  en 2014-2015 et à une moyenne de 2,1% de 2015 à 2019;

• Gel global des effectifs de la fonction publique et parapublique pour les deux prochaines années;

• Garderies: indexation du tarif à 7,30 $ par jour le 1er octobre et création de 6300 places cette année;

• Régime-minceur à l'appareil de l'État: divers engagements pris par le gouvernement précédent seront réévalués, les directions régionales du ministère de l'Éducation seront abolies, les hausses de rémunération des médecins seront étalées sur plusieurs années, le programme de remboursement de la procréation assistée sera revu.

Tabac et crédits d'impôt

Québec fait un seul accroc à son engagement de ne pas hausser les taxes et les impôts. Mesure aussi concrète qu'immédiate, depuis minuit hier, un paquet de cigarettes coûte 50 cents de plus, une mesure qui renflouera de 120 millions par année les coffres de Québec. On joue aussi dans l'imposition de l'alcool acheté en magasin ou consommé dans les bars ou restaurants, un gain net de 55 millions pour M. Leitao.

Québec passe la faux dans les crédits d'impôts aux entreprises, qui seront réduits partout de 20 %, une économie de 270 millions l'an prochain, un geste risqué pour des secteurs susceptibles d'être délocalisés, comme le multimédia.

Comme promis en campagne électorale, le gouvernement Couillard renonce à la hausse de 2 $ par jour pour les places en garderie à 7 $. L'indexation fera grimper à 7,30 $ le tarif quotidien, cette année seulement, car on demande à la commission sur la fiscalité, que présidera Luc Godbout l'automne prochain, de réexaminer la question.

Mine de rien, Québec a déjà prévu que cette commission trouverait 650 millions d'économies pour le prochain budget. En attendant, Québec ratisse environ 190 millions en surplus dans les coffres des CPE.

Promesses oubliées

Bien des engagements de la campagne électorale sont remis à plus tard, des dépenses « moins prioritaires », selon Martin Coiteux. Philippe Couillard avait promis d'augmenter de 1,5 milliard par année pendant 10 ans les immobilisations. On s'en tiendra plutôt aux 9,4 milliards par année en moyenne initialement prévus.

« On est réalistes. Le point de départ n'est pas le même », a expliqué M. Leitao, en référence à la dette plus élevée que prévu. « On a atteint les limites de notre capacité d'endettement », a-t-il ajouté.

Des projets comme le nouvel hôpital à La Malbaie, l'agrandissement de l'Hôpital de Verdun, les urgences de l'Institut de cardiologie de Montréal, la réfection de l'échangeur Saint-Pierre, du pont-tunnel, de l'autoroute Métropolitaine et le recouvrement de Ville-Marie restent dans les limbes, « à l'étude ».

Québec prend le contrôle des ressources humaines dans ses réseaux en imposant un gel du niveau global des effectifs. « On veut se donner des pouvoirs d'employeurs, savoir à qui et où on envoie le chèque », a dit M. Leitao.

Au cours des cinq dernières années, le nombre de fonctionnaires a augmenté de plus de 6000 en moyenne chaque année. Le nombre de postes sera désormais plafonné, les employés à remplacer le seront en priorisant les services aux citoyens.