La mise à jour budgétaire présentée l'automne dernier a montré la précarité des finances du Québec, en dépit des efforts pour limiter la croissance des dépenses et les dépassements de coûts des infrastructures liés à la corruption.

La mise sous surveillance de la note de crédit du Québec avec perspective négative par l'agence Fitch Rating, annoncée dans la foulée de la publication de la mise à jour, a servi de coup de semonce. Les avertissements à peine voilés de Moody's et de Standard&Poor's, selon qui la nouvelle voie tracée pour atteindre l'équilibre budgétaire dès 2015-2016 devra être rigoureusement suivie, soulignent que le jugement de Fitch était fondé, en dépit de sa sévérité.

Les recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous. Pour 2014-2015, les revenus autonomes anticipés l'automne dernier sont inférieurs de quelque 3 milliards de dollars à ceux prévus par l'ex-ministre Raymond Bachand dans son budget de mars 2012 et inférieurs de quelque 3,4 milliards à ceux de Nicolas Marceau, huit mois plus tard.

Le déficit de 2,5 milliards pour l'exercice qui s'achève le mois prochain ne paraît même pas acquis, à la lumière des résultats connus jusqu'ici. D'avril à octobre, l'écart cumulé entre revenus et dépenses s'élève à 1,82 milliard, soit une moyenne mensuelle de 260 millions. À cette cadence, on se dirige vers un manque à gagner de 3,1 milliards.

Bien sûr, Ottawa a fait, peu avant Noël, un joli présent de 548 millions en péréquation pour l'année 2014. M. Marceau a tout intérêt à le budgéter dans l'année 2014-2015 et à reconduire son estimation d'un manque à gagner de 2,5 milliards pour l'exercice en cours. De toute façon, les résultats définitifs ne seront connus qu'en milieu d'année.

Utiliser le cadeau fédéral pour faire passer de 1,75 à 1,20 milliard le déficit de 2014-2015 sera un défi beaucoup plus grand qu'une simple correction de chiffres.

Il n'y a plus de provision pour éventualités au chapitre des dépenses. En plus, il faut trouver 400 millions en augmentant les revenus ou en comprimant davantage les dépenses de programmes dont la croissance est limitée à 1,9% pour les deux prochains exercices.

Le ministre des Finances du prochain gouvernement, peu importe son allégeance ou le statut numérique de son parti à l'Assemblée nationale, sera confronté aux mêmes difficultés.

À moins d'une relance de l'inflation (0,8% seulement en 2013), la prévision de croissance des revenus de 2,4% par rapport à ceux de 2013-2014 paraît un peu optimiste. Comprimer les dépenses avant les élections paraît casse-cou, surtout après la multiplication des annonces des derniers jours qu'il faudra bien budgéter.

Les décisions difficiles viendront forcément dans le budget qui suivra les élections.

Pour être crédible, ce budget-là devra aussi répondre aux grands trous du cadre financier présenté l'automne dernier: comment combler un écart à résorber de 1 milliard, en 2015-2016? Et de 400 millions par la suite? Comment aller chercher 1,4 milliard de plus dans la lutte contre l'évasion fiscale? Où trouver les 425 millions additionnels à verser au Fonds des générations à partir de 2016-2017 pour garder le cap sur la réduction du poids de la dette?

Québec devra innover.

Peut-on imaginer de diminuer la subvention aux parents pour les centres de la petite enfance à partir d'un certain seuil de revenus, un peu comme Ottawa le fait avec les paiements de la Sécurité de la vieillesse?

Peut-on doubler, voire tripler les droits d'immatriculation sur les voitures de luxe?

Peut-on imaginer que d'autres types de revenus que les salaires et les intérêts soient pleinement imposables?

Durant la campagne électorale précédente, le député de Rousseau avait évoqué la possibilité d'augmenter le taux d'imposition des gains en capital. Ce faisant, Québec se serait démarqué davantage du reste du Canada pour l'imposition des revenus élevés.

En 2000, le ministre fédéral Paul Martin avait ramené de 75% à 50% le taux d'incorporation du gain en capital. Québec avait emboîté le pas. On revenait ainsi au taux de 1987 qu'avait haussé Michael Wilson dans un effort pour limiter le déficit fédéral.

Un retour en arrière non harmonisé avec Ottawa paraît bien difficile à orchestrer sans conséquence.

M. Marceau avait aussi proposé que les gains sur les options d'achat d'actions soient traités fiscalement comme du salaire, plutôt que comme un gain en capital.

Cela paraît moins indigeste. Comme le faisait remarquer dans ces pages l'administrateur de sociétés et nouveau président du conseil du Fonds de solidarité FTQ, Robert Parizeau, le 4 octobre 2012, «si on veut poser un geste symbolique, le gouvernement pourrait, comme l'a d'ailleurs recommandé l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP) dans une prise de position sur la rémunération des hauts dirigeants, taxer comme salaire le produit des options plutôt que comme profit de capital: cela serait logique, car il s'agit de la partie long terme de la rémunération d'un dirigeant».

Certes, cela ne suffirait pas à assainir les finances publiques, mais ce serait un puissant symbole pour convaincre que tous devront faire leur part dans une incontournable cure beaucoup plus douloureuse.