«Incroyable laxisme», «aveuglement volontaire», «violations à répétition de ses obligations fiduciaires».

C'est ainsi que se lisent désormais les reproches faits à une filiale de la Banque Laurentienne, la société B2B Trust, dans la poursuite en recours collectif intentée par les investisseurs floués par la société financière déchue Mount Real.

Ces reproches aggravés contre B2B font partie des ajouts inscrits jeudi dernier au dossier judiciaire du recours collectif entamé il y a trois ans au nom des 1600 investisseurs qui réclament 130 millions de dollars dans la fraude de Mount Real.

Cette affaire, faut-il rappeler, concerne une société montréalaise créée à la fin des années 90 par deux comptables, Lino Matteo et Paul D'Andrea, afin de vendre des billets financiers à court terme.

Leur société, Mount Real Financial, a aussi profité de la notoriété d'une inscription aux Bourses de Montréal et de Toronto pour écouler plus de 170 millions en billets financiers à rendement élevé.

Mais en 2005, une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a mis au jour une fraude financière se rapprochant d'un «schème à la Ponzi». C'est-à-dire la rémunération élevée des premiers investisseurs payée à même les dépôts de nouveaux clients, plutôt que du rendement d'investissements annoncés.

Quant au recours collectif, son autorisation en justice remonte à août 2011. Il cible autant les ex-dirigeants de Mount Real que ses principaux fournisseurs de services professionnels et comptables.

Parmi eux, on retrouvait déjà B2B Trust, une filiale de la Banque Laurentienne, aux côtés de codéfendeurs comme les firmes comptables Deloitte&Touche et BDO Dunwoody.

B2B Trust avait un mandat de fiduciaire (gardien de valeurs) auprès des centaines de clients-investisseurs de Mount Real.

Dans les ajouts au dossier du recours collectif, les requérants semblent avoir trouvé matière à hausser singulièrement le ton envers la filiale de la Banque Laurentienne.

Entre autres, ils citent des extraits de documents échangés entre des dirigeants de B2B et de Mount Real entre les années 2000 et 2005. Ces échanges démontreraient une «tolérance» indue de B2B envers les manquements à répétition en matière de tenue de comptes clients chez Mount Real.

Selon les requérants, «l'attitude grossièrement laxiste de B2B, son aveuglement volontaire et la violation à répétition de ses obligations fiduciaires ont fait d'elle un important rouage qui a permis à [Lino] Matteo et ses acolytes de mettre en place une fraude de type Ponzi».

La poursuite en recours collectif des investisseurs floués chez Mount Real est entendue en Cour supérieure à Montréal, sous la supervision du juge Jean-François Buffoni.

---------------

L'affaire Mount Real en quelques dates

> 1998: les comptables montréalais Lino Matteo et Paul D'Andrea fondent Mount Real Financial et l'inscrivent à la Bourse de Montréal, avec le transfert d'une société inerte de la Bourse de l'Alberta.

> 1998-2005: émission de plus de 170 millions de dollars en billets financiers à rendement élevé parmi quelque 1600 investisseurs.

> 2005: après enquête, l'Autorité des marchés financiers déclare les billets émis illégaux. Mount Real est mise sous administration judiciaire par le ministre des Finances du Québec.

> 2007: après enquête, l'Ordre des comptables radie Lino Matteo et Paul D'Andrea, soupçonnés de «fraude à la Ponzi» chez Mount Real Financial.

> Août 2011: autorisation d'un recours collectif de 130 millions au nom de 1600 investisseurs contre les dirigeants de Mount Real et leurs fournisseurs de services comptables, dont Deloitte&Touche, BDO Dunwoody et B2B Trust/Banque Laurentienne.

> Mars 2012: début du procès de Lino Matteo pour 308 infractions à la Loi sur les valeurs mobilières (Québec).

> Septembre 2013: procès de Lino Matteo suspendu pour une durée indéterminée en raison de conflits d'horaire de son avocat criminaliste et d'un autre procès de M. Matteo dans l'affaire Cinar/Norshield.

> Février 2013: amendements au recours collectif qui aggravent les reproches à B2B Trust/Banque Laurentienne.

Sources: dossier en Cour supérieure, archives médias Eureka