La caisse populaire de Saint-Sauveur, qui a hébergé pendant des années les comptes du fraudeur Nil Lapointe, est désormais la cible d'un recours collectif intenté par ses victimes, qui pourrait atteindre les 15 millions de dollars.

Après une requête entendue en avril dernier, ce recours collectif a été autorisé hier par un juge de la Cour supérieure du Québec.

Pour l'essentiel, la centaine de victimes du fraudeur financier Nil Lapointe reprochent à la caisse populaire d'avoir «fait preuve de négligence et d'aveuglement volontaire» de 2004 à 2006, période au cours de laquelle il y a multiplié les transactions au comptant.

La somme de 15 millions correspond à la valeur comptabilisée des centaines de retraits au comptant, à coups de dizaines de milliers de dollars, que Nil Lapointe a effectués durant trois ans sur des comptes où transitaient les fonds des particuliers investisseurs qu'il attirait avec des promesses de rendements élevés.

Or, ce stratagème financier s'est avéré peu après une fraude pyramidale à la Ponzi, dans laquelle quelque 160 particuliers ont perdu plusieurs millions de dollars. Nil Lapointe s'est suicidé en février 2010 peu après avoir confessé à des amis l'ampleur de sa fraude multimillionnaire. Il se savait alors l'objet d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et sur le point de subir des perquisitions.

Longues démarches

C'est après ces événements et des enquêtes comptables que des victimes de Nil Lapointe, en particulier le Lavallois Rhéal Gosselin, délesté de 800 000$, ont décidé d'intenter un recours collectif contre la caisse populaire de Saint-Sauveur.

Après de longues démarches, leurs doléances viennent de trouver un premier écho favorable en Cour supérieure, avec le feu vert accordé à leur requête de recours collectif contre la caisse.

C'est maintenant à la centaine de membres du «Regroupement des victimes de Nil Lapointe» à se joindre au recours collectif. Des avis juridiques à cet effet seront diffusés bientôt par les avocats des requérants, Vincent Fortier et Simon St-Gelais, de la firme Quessy Henry St-Hilaire, à Québec.

Suivra aussi le dépôt en justice d'une réclamation en «dommages et intérêts» plus détaillée, qui pourrait atteindre 15 millions de dollars.

S'il s'avère, un tel montant serait presque deux fois plus élevé que celui des 8 millions en créances établi par le syndic chargé d'administrer le reliquat de faillite de Nil Lapointe depuis sa mort.

Devoir de diligence

«Ce que l'on reproche à la caisse populaire, c'est autre chose. C'est d'avoir manqué à son devoir de diligence et de surveillance, ce qui a permis au stratagème de Nil Lapointe [fraude de Ponzi] de fonctionner pour atteindre et dépasser même les 15 millions, a expliqué l'avocat Simon St-Gelais.

«Ce n'est pas normal qu'un client d'une caisse populaire ou d'une banque puisse faire à répétition des retraits de 100 000 ou 200 000$ en comptant, pendant trois ans, sans que ça suscite le moindre examen ni la moindre question.»

À la caisse populaire, après avoir été informé par La Presse de l'autorisation du recours collectif, le directeur général, Pierre Durocher, a préféré s'en tenir à un bref commentaire de circonstance.

«Nous n'avons rien à nous reprocher dans cette affaire. Ce n'est pas nous qui gérons les transactions dans chaque compte de nos 20 000 clients. Ils le font eux-mêmes», a indiqué M. Durocher.

Quant à sa défense juridique contre le recours collectif, la caisse populaire l'a déjà confiée à son assureur en responsabilité professionnelle, c'est-à-dire la filiale d'Assurances générales du Mouvement Desjardins. Résultat de la fusion l'an dernier des caisses desservant Saint-Sauveur, Sainte-Adèle et Morin-Heights, la caisse populaire de la Vallée des Pays-d'en-Haut regroupe 600 millions d'actifs de ses membres et génère quelque 1,2 milliard par an en volume d'affaires (crédit, placement, etc.).

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EN BREF

15 millions

Valeur totale des centaines de retraits au comptant faits par le fraudeur Nil Lapointe sur ses comptes à la caisse populaire de Saint-Sauveur, de janvier 2004 à décembre 2006

160 personnes

Nombre estimé de victimes du fraudeur Nil Lapointe, tous des particuliers à revenus moyens de la grande région de Montréal.

Fraude pyramidale de Ponzi

Le stratagème frauduleux utilisé par Nil Lapointe qui consiste à utiliser les fonds de nouveaux investisseurs pour rémunérer les précédents et continuer ainsi d'en attirer d'autres, avec de faux relevés d'investissement