Les Portugais se rendaient aux urnes dimanche pour un scrutin municipal qui prenait des allures de référendum sur le programme d'austérité et pourrait se transformer en vote sanction pour le gouvernement de centre droit.

«Qu'ils soient de droite ou de gauche, les Portugais espèrent que le gouvernement sera sanctionné» pour avoir appliqué à la lettre la cure d'austérité prescrite par la troïka des créanciers, a commenté à l'AFP le politologue Antonio Costa Pinto.

Les élections se déroulaient sous le regard attentif de la troïka (UE-FMI-BCE), présente à Lisbonne depuis deux semaines pour rendre son verdict sur le déblocage de la prochaine tranche de crédit, dans le cadre du plan d'aide de 78 milliards d'euros dont bénéficie le pays depuis 2011.

Fervent adepte de l'austérité, le premier ministre Pedro Passos Coelho assure affronter ces élections «la tête haute». «La vie du gouvernement ne dépend pas du résultat de ces élections», jure-t-il alors que la coalition au pouvoir a failli éclater lors d'une grave crise en juillet.

Impopulaire, M. Passos Coelho a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne démissionnerait pas, quel que soit le résultat des élections. Il a néanmoins reconnu dimanche qu'«il y a toujours une lecture nationale à faire du scrutin municipal, même s'il ne s'agit pas d'élections nationales».

De nombreux Portugais pourraient opter pour l'abstention ou le vote blanc pour marquer leur désaccord avec la classe politique. «Ce sont toujours les mêmes qui se représentent pour faire la même politique», a estimé, résignée, Claudia Madruga, une jeune Lisboète au chômage. Elle a voté blanc.

D'autres électeurs ont choisi de voter pour l'opposition de gauche, comme Alda Camara, professeur d'économie. «Passos Coelho n'est qu'une marionnette d'Angela Merkel. Ils font des économies sur le dos des enfants, il y a des classes au Portugal qui n'ont plus de professeur», a-t-elle assuré.

Quelque 9,5 millions d'électeurs étaient appelés à voter jusqu'à 19 h, heure locale, pour élire leurs représentants dans 308 mairies. Lors des dernières municipales en 2009, le taux d'abstention avait atteint 41 %.

«Punir les partis de la troïka»

Sur un plan national, des sondages donnent une large avance au Parti socialiste (PS), la principale force d'opposition, avec 38 % des voix. Le Parti social démocrate (PSD, conservateur) du premier ministre ne recueille que 26,5 % des suffrages et son partenaire dans la coalition, le parti populiste CDS, 6,5 %.

Lors des municipales en octobre 2009, le PS était arrivé en tête en nombre de voix avec 37,6 %, mais le PSD, allié à d'autres partis de droite, avait remporté une majorité de mairies, avec 139 municipalités contre 132 pour les socialistes.

Le nombre record de candidats indépendants (80 contre 54 en 2009) pourrait compliquer la donne pour les partis traditionnels.

«La grande inconnue de ce scrutin porte sur les scores que feront les indépendants. Cela pourrait changer la lecture nationale des résultats de ces élections», a relevé M. Costa Pinto.

Si les jeux sont faits à Lisbonne, où le maire socialiste Antonio Costa devrait être réélu sans encombre pour un troisième mandat, c'est un candidat indépendant, Rui Moreira, qui fait la course en tête à Porto, la grande ville du nord du pays, devant Luis Filipe Menezes (PSD).

M. Moreira est soutenu par le CDS, membre de la coalition au pouvoir. D'autres candidats indépendants ont au contraire tenu à prendre leurs distances vis-à-vis de la classe politique et espèrent capitaliser sur la grogne anti-austérité.

Car les mesures de rigueur que le Portugal a adoptées en échange de l'aide internationale sont de plus en plus contestées par la population.

«Il faut punir les partis de la troïka», a ainsi réclamé Casimiro Menezes, président de la Confédération nationale des retraités, très remonté contre les coupes de 10 % dans les pensions des fonctionnaires imposées par le gouvernement.